devrais-je dire : — ce magnifique établissement est, suivant moi, la plus belle œuvre du XIXe siècle.
« De gros salaires, fait observer avec raison le capitaine de la Santa-Lucia, dans le remarquable ouvrage qu’il publia en l’année 1614, sous ce titre : l’Armata navale, peuvent procurer à une galère des soldats et des marins, mais il est difficile de persuader à des hommes libres de manier une rame et de se résigner à la servitude d’une chaîne, à la bastonnade, à toutes les souffrances d’un galérien. Si la stupidité de certains vagabonds, si les vices les plus abjects ne les déterminaient à se vendre eux-mêmes, on peut croire qu’on ne trouverait jamais un homme qui voulût spontanément se soumettre à une vie aussi misérable. On ne peut donc rassembler une bonne chiourme sans beaucoup d’industrie. Il est même nécessaire d’y employer certains moyens non usités en d’autres circonstances et que condamneront peut-être ceux qui, mesurant mal les périls publics, s’abandonnent aux scrupules d’une conscience par trop délicate. Quand les chrétiens exposent leur fortune et leur vie sur les flottes qui vont combattre les ennemis de notre foi, n’est-il pas juste que l’on contraigne à en faire autant des scélérats perturbateurs du repos commun et qui sont trop heureux que le châtiment qu’on leur impose fasse servir leurs fatigues au profit de l’état ? »
Chaque siècle a sa conscience : la conscience du XVIIe siècle n’était pas la nôtre et nous ne serions pas justes si nous prétendions juger avec nos idées actuelles les procédés violens qui obtenaient alors l’approbation sans réserve des meilleurs esprits. « Le premier moyen de se procurer les chiourmes nécessaires, continue le capitaine Pantero Pantera, est de prescrire aux juges d’expédier avec diligence les causes criminelles, de commuer en outre les peines corporelles, celle du dernier supplice aussi bien que la mutilation d’un membre, les amendes mêmes, en un certain temps de service sur les galères, temps naturellement proportionné à la gravité de la faute. Ceux qui auront mérité la peine capitale seront condamnés à la chaîne perpétuelle ; ceux qui devraient payer une somme d’argent quelconque et qui, par la noblesse de leur sang ou par leur impotence, ne seraient pas aptes au service de la rame, seront tenus d’acheter, pour les remplacer, autant d’esclaves, ou bien d’entretenir autant de rameurs libres, — de buonevoglie, — que le comporteront leur qualité ou leurs crimes. Le prince expédiera en même temps les ordres les plus rigoureux dans toutes ses villes, dans tous ses châteaux, dans tous ses domaines, pour que, sous un court délai de quelques jours, tous les vagabonds aient quitté