Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/661

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

draguages et applaudit à ce qu’il voit, mais il ne voit pas tout. Notre but est d’exposer, ce qu’on connaît bien moins, les recherches des savans plus modestes qui se sont préoccupés de la constitution chimique et des propriétés physiques des eaux de mer.


I

Chacun sait que l’eau de mer, lorsqu’elle n’est pas souillée de vase, est, sinon la plus limpide de toutes les eaux naturelles, comme on l’a dit quelquefois, du moins une des plus claires. Ainsi, quand on se promène sur les côtes de l’océan à marée basse, il est souvent difficile, pour qui n’est pas attentif, d’éviter de plonger le pied dans les flaques qui parsèment les rochers, le liquide qui remplit ces cavités étant d’une telle transparence qu’il en devient invisible.

La question de la couleur mérite un sérieux examen, d’autant plus que les travaux relatifs à ce sujet ne manquent pas : nous citerons notamment ceux du père Secchi, de John Tyndall et ceux plus récens encore de M. W. Spring et de M. Soret. L’astronome romain rapporte qu’il doit l’idée première de ses expériences à un certain capitaine Bérard, qui, croisant dans le Pacifique, fit descendre au fond des mers une assiette blanche ordinaire enveloppée dans un filet et nota la profondeur à partir de laquelle l’assiette échappait à la vue. L’eau de ces parages (près de l’île Wallis, en Océanie) se prêtait naturellement à l’expérience, grâce à sa pureté ; mais le rapport du marin ne mentionne pas l’état du ciel. Le père Secchi fit ses expériences en 1865, à bord de la corvette pontificale l’Immaculée-Conception. Plusieurs disques suspendus à des câbles furent immergés : c’étaient des cerceaux de fer sur lesquels on avait tendu des toiles peintes de couleurs variées ; il y en avait un de 4 mètres de diamètre, les autres étaient beaucoup plus petits. Il fallait un beau temps, un ciel serein, une mer calme, des eaux transparentes : toutes choses qu’il est facile de rencontrer sur la Méditerranée et, à plus forte raison, sur la mer de Toscane, au mois d’avril. Le grand disque, dont la toile avait été blanchie à la céruse, disparut après avoir été plongé à une profondeur de 42 mètres environ ; si le soleil, au lieu d’être assez peu élevé sur l’horizon, eût dominé au zénith, la limite, d’après les calculs du père Secchi, n’aurait été reculée que de quelques mètres. Toutefois les disques plus petits, ainsi qu’une assiette de faïence, défigurés par la rétraction, échappèrent aux regards à des limites encore plus faibles, et cette disparition dépend surtout de la confusion de l’image, qui se brise en tous sens. Quant au grand