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trouve. Les premières, qui dépendent du climat et de la nature du sol, peuvent être modifiées dans une certaine mesure par l’action de l’homme ; les reboisemens ou les déboisemens ont sur le climat une certaine influence, favorable ou nuisible suivant les circonstances ; les amendemens, les engrais, les labours, les irrigations agissent sur le sol et le transforment. Ce sont ces diverses modifications qui constituent le progrès agricole. Les conditions économiques, au contraire, sont, dans un moment donné, plus impérieuses. Elles sont extrinsèques à la culture proprement dite et dépendent, non des efforts du cultivateur, mais des circonstances au milieu desquelles il se trouve, car elles sont la conséquence de la cherté relative des divers facteurs de production : terre, capital et travail.

Au point de vue des conditions naturelles, la Sicile est admirablement partagée. Le sol, aussi fertile aujourd’hui qu’au temps d’Homère, est apte à toutes les productions, mais depuis des milliers d’années qu’on lui arrache des récoltes sans rien lui restituer, il manque de phosphore. S’il était entre les mains de propriétaires pouvant lui faire des avances d’engrais et le cultiver avec des instrumens moins primitifs que ceux qu’on emploie, il donnerait tout ce qu’on voudrait lui demander. Quant au climat, il est également propre à mûrir les plantes du Nord et celles du Midi ; mais les longues sécheresses, qui durent plusieurs mois, rendent ce pays plus particulièrement favorable aux cultures arbustives, comme celles de la vigne et de l’oranger. Pour être moins exigeantes que les plantes annuelles, celles-ci n’en réclament pas moins de l’eau en abondance ; aussi rien ne doit-il être négligé pour utiliser toute celle qui existe aujourd’hui et pour s’en procurer de nouvelle. C’est pour ce motif que plusieurs fois, dans le cours de cette étude, nous avons insisté sur l’utilité du reboisement des cimes. La Sicile aujourd’hui est presque absolument dénudée ; les pluies hivernales s’écoulent sur les pentes à l’état de torrens et se rendent à la mer sans pénétrer dans le sol ; si les montagnes étaient boisées, elles seraient plus fréquentes, s’infiltreraient le long des racines des arbres et s’emmagasineraient dans les réservoirs intérieurs pour reparaître ensuite sous forme de sources. Cette action des forêts est aujourd’hui connue et la preuve n’en est plus à faire ; la seule difficulté qui s’oppose au reboisement est le pâturage, qu’il faudrait supprimer pour pouvoir replanter les hauteurs. Le gouvernement français est entré dans cette voie, quoique très timidement, depuis 1860 ; le gouvernement italien parait vouloir l’y suivre, car il a présenté à ce sujet un projet de loi que le parlement n’a pas encore été appelé à discuter. La Sicile figure sur l’état des terrains à reboiser pour