Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/653

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont vécu jusqu’ici, elles ne perdent leurs qualités spéciales et ne reprennent les caractères des vignes européennes.

À ces procédés on peut ajouter certaines pratiques qui, sans détruire absolument le phylloxéra, ont pour effet d’en atténuer les ravages : telles sont la fumure des vignes, qui, en développant le système radiculaire, augmente leur résistance, et la destruction de l’œuf d’hiver, découvert par M. Balbiani, au moyen du badigeonnage des ceps avec un mélange d’huile lourde, de chaux et de naphtaline. It est même probable que ce dernier procédé deviendra un jour le moyen curatif le plus radical et le plus sûr » M. Lenormant[1] a suggéré un procédé de culture qui, en Italie du moins, mettrait la vigne indigène à l’abri des attaques de l’insecte : c’est de laisser les ceps croître en hauteur en les faisant monter le long d’un faisceau de cannes de façon à ce que les racines elles-mêmes, qui se développent proportionnellement à la tige, s’enfoncent dans le sol. Le phylloxéra, qui se maintient dans les couches supérieures, n’aurait ainsi aucune action sur les racines profondes, qui resteraient indemnes. C’est un essai qu’il serait facile de tenter.

Quoi qu’il en soit, jusqu’ici nous n’avons encore que des palliatifs contre le fléau, et les récompenses promises par les gouvernemens français et italien sont encore à gagner. Ce n’est malheureusement pas le seul auquel la vigne soit exposée. Depuis quelques années, on en a signalé un nouveau qui ne serait pas moins terrible que le phylloxéra, c’est le mildew, ou peronospara vitis, espèce de cryptogame qui s’attache à la partie inférieure de la feuille, la flétrit, empêche le raisin de se former et entraîne souvent la mort du cep. Encore imparfaitement étudié, ce champignon a déjà fait dans nos départemens du Midi de grands ravages, et nos viticulteurs peuvent craindre de rencontrer en lui une nouvelle cause de ruine. Ce sont là pour eux des ennemis bien autrement redoutables que les vins étrangers ; c’est à les combattre qu’ils doivent employer leurs efforts beaucoup plutôt qu’à se protéger par des droits élevés contre une concurrence imaginaire.


VII

La situation agricole d’un pays est la résultante des conditions naturelles et des conditions économiques dans lesquelles il se

  1. La Grande-Grèce, par François Lenormant, t. III.