Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/648

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monnaie ; il vint au secours de Marsala, dans un moment de disette, en achetant le blé dont elle manquait ; il ouvrit une large voie pour aboutir au port, qu’il améliora en le faisant creuser et en y construisant un môle et un phare. John Woodhouse mourut en 1826, laissant pour héritiers ses frères, Guillaume et Samuel, qui ont continué à faire progresser l’établissement. Celui-ci comprend aujourd’hui, outre de nombreux magasins de 200 mètres de long sur 15 mètres de large et pouvant contenir chacun 7,000 pipes, un atelier de tonnellerie, une machine à vapeur, une scierie, et emploie 150 ouvriers d’une manière permanente. Le vin n’est livré au commerce qu’après plusieurs années et comporte diverses qualités. L’une d’elles, appelée porto, imite le vin de Portugal ; une autre marquée O. P. (Old particular), est la marque préférée en Angleterre ; c’est un vin vieux et suave ; mais la plus répandue est la marque L. P. (London particular), plus douce et moins vieille que la précédente. En Italie, on préfère la marque C, qui est plus jeune et moins alcoolique. La maison Woodhouse envoie ses produits dans le monde entier ; mais l’Angleterre en absorbe à elle seule le tiers de la fabrication.

Le succès de Woodhouse éveilla l’attention d’un jeune Anglais nommé Benjamin Ingham, né en 1784, que ses affaires avaient appelé en Sicile. Il comprit bientôt que ce pays offrait au commerce des vins un champ illimité et construisit pour s’y adonner, au bord de la mer, un petit magasin avec une maison d’habitation qui fut le berceau de l’établissement actuel. Ingham procéda à peu près comme Woodhouse ; il achetait les vins et les moûts des vendanges du voisinage et les transportait chez lui pour les travailler. Préoccupé de perfectionner sa fabrication, il se rendit en Espagne pour y étudier les procédés employés et réussit à rivaliser avec ce pays, même pour les sortes dont l’Espagne avait jusqu’alors le monopole, comme le madère et le xérès. Il chercha à étendre son commerce dans le monde et fut le premier à nouer des relations avec le Brésil, les États-Unis et l’Australie, grâce à la flotte de bâtimens à voiles qui transportaient partout ses produits. L’établissement, dirigé aujourd’hui par un de ses neveux, Joseph Whitaker, n’est pas moins considérable que celui de Woodhouse, mais il fabrique des vins de types différent La qualité O. P. est recherchée en France ; L. P. en Angleterre et Trinacria en Italie.

Vincent Florio, qu’en peut à bon droit appeler le père du commerce sicilien, naquit à Bagnara en Calabre en 1799 ; mais cette année même son père vint s’établir à Palerme. Celui-ci étant mort peu après, Vincent fut élevé par son oncle Ignace, avec lequel il s’associa en 1818. Avide de s’instruire, il visita les principales villes de commerce de France et d’Angleterre ; rentré en Sicile en 1825, il s’adonna à l’exportation des produits siciliens, notamment du