ce savant, la vigne croît spontanément dans l’Asie occidentale tempérée, l’Europe méridionale, l’Algérie et le Maroc ; mais c’est surtout dans le Pont, en Arménie, au midi du Caucase et de la mer Caspienne, qu’elle présente l’aspect d’une liane sauvage qui s’élève sur les arbres en donnant des fruits sans taille ni culture. Elle a été disséminée de bonne beure par les oiseaux et les vents, car on trouve des graines dans des habitations lacustres de Castione, près de Parme, et dans une station préhistorique du lac de Varèse ; on a également découvert des feuilles dans les tufs des environs de Montpellier et dans ceux de Meyrargue, en Provence. L’idée de recueillir le jus du raisin et de le faire fermenter est très ancienne. Les Sémites et les Aryas ont connu l’usage du vin, et les Égyptiens ont, depuis plus de six mille ans, cultivé cet arbuste, qui a été ensuite propagé en Europe par les Grecs et par les Romains.
Quoi qu’il en soit de ses origines, la vigne trouve en Sicile une terre privilégiée ; elle y prospère et y donne un vin coloré et généreux dont les nombreuses variétés sont recherchées du monde entier. Elle y est, dans les crus renommés, l’objet de grands soins. Les ceps sont plantés dans des sillons dont les ados servent à ombrager le pied et à entretenir la fraîcheur ; le plus souvent ils traînent à terre, mais parfois ils sont maintenus par des échalas en roseaux, car le bois faisant absolument défaut, il serait trop onéreux d’en faire venir du continent. La vigne exige quatre cultures par an pour la débarrasser des herbes qui l’envahissent ; elles lui sont données par des brigades d’ouvriers, appelées chiourmes et dirigées chacune par des curatoli. Travaillant en plein soleil, sans autre abri qu’un mouchoir sur la tête, ces ouvriers vivent de rien ; ils gagnent 25 sous par jour, plus la nourriture, qui consiste en fèves de marais arrosés d’un peu de piquette.
La vendange se fait ordinairement en septembre, par les propriétaires eux-mêmes, quand ils fabriquent le vin pour leur propre compte, ou par des négocians en gros, quand ceux-ci achètent la récolte sur pied. Dans le premier cas, cette opération laisse beaucoup à désirer faute de l’outillage nécessaire pour une fabrication soignée ; il n’en est pas de même dans le second, parce que les grands négocians qui fabriquent les vins de Marsala et de Syracuse ont de véritables usines et font usage pour cette fabrication des engins les plus perfectionnés. Le suc, extrait du raisin par des pressoirs en acier, s’écoule dans d’immenses cuves, d’où il se rend dans des tonneaux pouvant contenir de 200 à 300 hectolitres, dans lesquels s’opère la fermentation tumultueuse. Quand celle-ci est achevée, le vin est soutiré dans des pipes de 400 litres et transporté dans de vastes chais construits au bord de la mer, dont l’air contribue à favoriser la transformation du sucre en alcool,