Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/636

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

viande de mauvaise qualité ; il n’est qu’exceptionnellement tenu à l’étable et vit généralement en plein air, sur les pâturages, naturels qui occupent les sommets des montagnes et qui couvrent près du quart de la superficie de l’île. Il existe bien des prairies artificielles de trèfle ou de luzerne, mais leurs produits sont réservés pour l’alimentation estivale, eau, à l’inverse de ce qui se passe chez nous, la végétation herbacée commence avec les pluies d’automne, dure tout l’hiver et finit en mai ; elle est absolument arrêtée pendant les mois de sécheresse, et c’est alors qu’on a recours, non-seulement aux fourrages artificiels, mais encore aux arbustes, aux feuilles d’arbres, à tout ce que le bétail est susceptible d’absorber.

On sait que deux agronomes français, MM. Goffard et Rœderer, ont découvert presque simultanément le moyen de conserver dans des silos les fourrages verts, fauchés même en temps de pluie. C’est par la pression qu’ils arrivent à ce résultat, parce que celle-ci, tout en permettant à la fermentation alcoolique de se produire, empêche la fermentation acétique et la fermentation putride et conserve aux herbes leur valeur nutritive. Cette découverte, une des plus importantes qu’on ait faites en agriculture, parce qu’elle permet d’utiliser les fourrages qui autrefois étaient perdus, faute de pouvoir être rentrés, sera non moins utile à la Sicile qu’aux pays du Nord et lui permettra de modifier l’aménagement de ses pâturages, qui, dans les conditions actuelles, sont un obstacle au véritable progrès agricole. SI les cimes des montagnes étaient occupées par des bois au lieu d’être livrées au parcours, des pluies plus abondantes et plus régulières se produiraient, les eaux s’infiltreraient dans les couches inférieures, les sources seraient plus nombreuses, et les ruisseaux, aujourd’hui à sec pendant la plus grande partie de l’année, couleraient d’une manière permanente, donnant en quantité suffisante l’eau nécessaire aux irrigations. Les prairies pourraient rapporter alors quatre ou cinq récoltes, et, par conséquent, nourrir des bestiaux plus nombreux, qui eux-mêmes produiraient l’engrais nécessaire à la culture des céréales. Mais ce n’est pas tout ; le bétail, qui se compose aujourd’hui presque exclusivement de chèvres et de moutons, parce que ces animaux, plus rustiques que les bêtes à cornes, sont plus en état de supporter les disettes de fourrages, se transformerait peu à peu par la substitution de l’espèce bovine aux espèces ovine et caprine, moins productives que la première. En agriculture tout se tient ; on ne peut faire aucun progrès sur un point sans qu’il se fasse sentir aussitôt sur tous les autres, comme aussi toute erreur commise a des conséquences lointaines dont souffrent toutes les autres branches de la protection agricole.

C’est à1 la production du blé dur que la Sicile s’adonne spécialement. Ce blé, qui est employé à la fabrication des pâtes, a