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L’Italie avait sa capitale, le drapeau national flottait sur le Capitole. Un des plus grands faits de l’histoire venait de s’accomplir.

Au moment où les troupes pontificales quittaient la cité Léonine, Pie IX, pâle, défait, s’arrêta pour les bénir une dernière fois. Il ne lui restait plus, pour la protection de sa personne, que les gardes nobles et les gardes suisses.


XVII

Le saint-père se considéra comme prisonnier ; il aspirait au martyre. Il remit des protestations aux ambassadeurs, des brefs aux cardinaux, des encycliques aux évêques. Il ajourna sine die les travaux du concile Il à cause de la sacrilège invasion opérée contre toutes les lois avec une audace et une perfidie incroyables. »

Les pères du concile n’avaient pas attendu la catastrophe pour disparaître.

Les déclarations du pape furent affichées à la porte des basiliques, sous les yeux des autorités italiennes, qui avaient ordre d’éviter tout conflit et d’opposer la plus absolue mansuétude aux violences du saint-siège. On tenait à prouver à l’Europe que la révolution italienne n’avait pas le caractère anticatholique qu’on lui attribuait pour la discréditer. Si l’on autorisait la vente des bibles protestantes, on saisissait les pamphlets et les caricatures révolutionnaires.

Le général Cadorna se montra déférent, empressé ; le pape resta insensible à toutes ses avances ; il refusa les bureaux de poste et télégraphiques qu’on lui offrait pour son service exclusif. Des estafettes lui apportaient ses lettres et ses dépêches. On lui rendait les honneurs dès qu’on l’apercevait, mais il ne se montrait guère. Il vivait retiré avec le cardinal Antonelli, le cardinal de Hohenlohe et le cardinal Bonaparte. Il en était réduit à se promener dans les jardins du Vatican. De ses fenêtres, Pie IX pouvait voir les maisons de la cité Léonine pavoisées aux couleurs nationales. Qui sait si elles ne consolaient pas le patriote des afflictions du souverain pontife !

Le corps diplomatique avait ses audiences, comme par le passé. De tous ses membres, le ministre de Prusse était, depuis le début de la guerre, le plus assidu à la cour de sa sainteté. Il encourageait les espérances à mots couverts. Il avait conseillé à Pie IX d’écrire à son souverain. Les prélats se flattaient que le roi de Prusse, qui représentait les principes d’autorité et de droit divin