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ministre des affaires étrangères de vouloir bien, avant de lui donner réponse, se pénétrer des souvenirs d’autrefois, des difficultés du présent et de celles bien plus grandes encore que causerait à l’Italie la prépondérance de la race allemande.

M. de Malaret parlait au nom d’un gouvernement atteint dans son prestige militaire, prêt à sombrer : il était voué à l’impuissance.

Cependant M. Visconti-Venosta ne resta pas insensible à cet appel de la dernière heure ; il ne refusa pas d’ouvrir des pourparlers sur une coopération effective immédiate. Prévoyait-il que des batailles décisives allaient se livrer sous les murs de Metz et voulait-il sauvegarder le renom de l’Italie du reproche d’ingratitude en se prêtant à des négociations qu’il savait sans issue ? Toujours est-il qu’il ne déclina pas la discussion, mais il demanda avant de s’engager d’en conférer avec ses collègues.

Le ministère était divisé ; M. Visconti reflétait au sein du cabinet les sentimens flottans du roi, M. Sella y affirmait la pensée dominante du parlement. « Mes paroles, disait le lendemain M. Visconti-Venosta, n’ont pas trouvé d’écho ; vos échecs si inattendus et la marche foudroyante des événemens donnent à réfléchir. L’on se demande si un corps d’armée italien pourrait vous rejoindre en temps opportun. Il faut au moins vingt jours pour avoir 60,000 hommes sous la main prêts à passer les Alpes, et qui sait si, d’ici là, l’équilibre des forces ne sera pas complètement, irrévocablement rompu au détriment de la France ? Quel avantage trouverez-vous à nous mettre aux prises avec la Prusse et à laisser écraser une petite année italienne ? »

M. de Malaret invoquait le sentiment et M. Visconti la raison d’état. Cependant, serré de près, le ministre parut se raviser. Il promit la coopération éventuelle de l’Italie, mais sans s’engager à rien. Il réclamait toutefois, comme condition sine qua non, le plus absolu secret jusqu’au jour où les troupes seraient en mesure d’entrer en campagne. Le gouvernement aurait à examiner alors si, dans l’état des choses, l’intervention serait efficace ou non : dans le premier cas, on mobiliserait ; dans le second, on ne sortirait pas de la neutralité.

Il en coûtait au ministre, en voyant la France si éprouvée, de lui refuser tout espoir. M. Visconti-Venosta à toutes ses qualités ajoutait un don précieux : celui de s’émouvoir à propos sans se compromettre.

Ses bonnes dispositions devaient, cette fois encore, se heurter aux objections égoïstes de ses collègues. Des renseignemens inquiétans étaient arrivés de Paris ; on commençait à redouter la révolution, les partis se remuaient, les faubourgs s’agitaient. Tout faisait craindre une catastrophe dont le contre-coup se répercuterait