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communications, qu’à faire de son mieux pousse garantir lui-même avec les faibles ressources dont il dispose. »

Le lendemain, l’ambassadeur vint demander ce que le pape avait répondu. « Rien, répondit le cardinal. — Rien de plus ? — Rien de plus. »

Jamais le gouvernement pontifical ne s’était trouvé plus désarmé contre une agression. Son armée, composée d’élémens étrangers, était désorganisée ; les Allemands étaient rappelés et les Français désertaient en masse pour participer à la guerre. L’état romain, sans défense, était à la discrétion du gouvernement italien.

En retirant nos troupes, nous cédions moins à des considérations stratégiques qu’à des considérations politiques. La brigade d’occupation n’avait d’importance que parce qu’elle était considérée comme l’avant-garde de l’armée tout entière, prête à accourir au secours, du pape s’il était nécessaire. Mais quand toutes les forces de la France étaient concentrées sur les frontières d’Allemagne, la présence d’un corps isolé dans les états pontificaux était un danger plutôt qu’une assistance. Si nous entrions en campagne sans être sûrs de l’alliance ou de la neutralité de l’Italie, nous nous exposions à un conflit immédiat ; ce n’était pas 5,000 hommes, mais 100,000 qu’il aurait fallu. La seule chance de sauver le pouvoir temporel était d’assurer au pape une protection fondée sur un engagement international. Si nous étions vaincus, il était évident que sa situation devenait désespérée ; il subissait fatalement le contre-coup de nos revers. Mais si la France était victorieuse, le pape retrouvait aussitôt sa sécurité momentanément ébranlée.

C’est ce qu’on se refusait à comprendre au Vatican. On récriminait contre l’empereur, on l’accusait de manquer à ses promesses ; la Civiltà l’appelait infâme, et l’Unità cattolica faisait ouvertement des vœux pour l’Allemagne. Elle affirmait avec une rare assurance que la Prusse victorieuse rétablirait le pouvoir temporel dans toute sa plénitude. Elle s’inspirait sans doute chez M. d’Arnim, qui déroutait, en interprétant la politique compliquée de M. de Bismarck, toute la diplomatie étrangère, y compris celle de l’Italie, par la contradiction de ses actes et l’ambiguïté de son langage. Les prélats, dans les antichambres du Vatican, étaient tout oreilles « aux paroles veloutées[1] du représentant de la Prusse protestante ; ils ne cachaient pas leur courroux et leur dédain au représentant de la France catholique.

  1. Mot dont se servait volontiers Frédéric : Surtout ne ménagez pas les paroles veloutées, » écrivait-il à ses agens lorsqu’il voulait berner un gouvernement.