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les mêmes périls se reproduiraient. L’Allemagne, devenue prussienne, reprendrait infailliblement, par la force des choses, cette politique qui a pesé sur elle depuis le moyen âge. Ces temps ne sont pas assez éloignés pour être oubliés. »

Cette sollicitude tardive, après tant de hauteur, pour les intérêts et la sécurité future de l’Italie n’était plus de circonstance. Son siège était fait ; elle se sentait maîtresse de ses destinées. La Prusse, loin de la menacer et d’arrêter son essor, caressait et stimulait toutes ses passions.

Il en coûtait cependant au roi et à quelques-uns de ses ministres de déserter notre cause, de sacrifier froidement le sentiment à la politique. Nos amis ne se tenaient pas pour battus : il ne pouvait plus être question de triple alliance, mais rien n’empêchait une entente séparée entre l’Italie et l’Autriche, qui, à l’occasion, se transformerait à notre profit en alliance offensive.

Le comte Vimercati, qui, depuis le début des événemens, faisait la navette entre Paris, Vienne et Florence, arriva au quartier général de Metz le 3 août, avec un nouveau projet de traité concerté entre M. de Beust et M. Visconti-Venosta. L’Autriche et l’Italie proclamaient leur neutralité armée, sous nos auspices ; elles se garantissaient mutuellement leur territoire et s’interdisaient toute entente séparée ; elles stipulaient le nombre des forces qu’elles mettraient en ligne pour faire respecter leur neutralité ; elles fixaient les points de concentration de leurs corps d’armée et assignaient le 15 septembre comme terme pour l’achèvement de leurs préparatifs. Il n’était plus question des bons offices du cabinet de Vienne auprès du gouvernement de l’empereur pour le règlement de la question romaine. L’Autriche se bornait à promettre à l’Italie d’appuyer à l’occasion ses revendications nationales. Des articles additionnels prévoyaient l’extension de la guerre, soit par l’entrée en campagne de la Russie, soit par l’initiative de l’Autriche ; ils consacraient dans ce cas la triple alliance, telle qu’elle avait été conçue dans le projet de traité du mois de juin 1869. L’Italie traversait le Tyrol autrichien pour s’associer aux troupes françaises opérant dans le sud de l’Allemagne, et les forces austro-hongroises soutenaient l’action combinée des deux armées. La France, sans participer au traité, s’engageait à concilier le droit national de l’Italie avec ceux du saint-siège. « Je n’aime pas beaucoup, écrivait M. de Malaret, ces arrangemens qui se débattent sous nos yeux et dont nous sommes exclus. Je n’y vois d’avantages que pour l’Italie, qui s’assure l’appui moral de l’Autriche dans la question romaine. Nous n’avions pas le droit assurément d’empêcher ces deux puissances d’être du même avis sur ce point comme sur beaucoup d’autres ; mais nous pouvions