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des candidatures républicaines, et cette campagne de révision si bruyamment inaugurée aura abouti tout simplement à une manœuvre d’élection.

Lorsque M. Scherer disait l’autre jour, qu’avec de pareils procédés on ne pouvait sans doute s’imaginer avoir une politique, cette parole trouvait son éclatante justification, non-seulement dans ce qui se passait au sénat, mais dans cette situation financière soumise en ce moment même à l’autre chambre. Où est la politique dans ce budget dont la discussion vient de commencer au Palais-Bourbon ? Quelles sont les propositions de la commission ou du gouvernement qui répondent à la réalité ? Il y a une chose évidente, c’est que ministres et députés reculent devant les conséquences de ce qu’ils ont fait depuis quelques années, devant les déficits qu’ils ont créés et accumulés par leurs excès de dépenses, par la plus imprévoyante administration de la fortune publique. Ils emploient toute sorte de subterfuges pour déguiser ou pallier la vérité, et ce n’est pas certainement le rapport général de la commission de la chambre sur le budget qui aidera à rétablir cette vérité. Le rapporteur général du budget pour cette année, M. Jules Roche, est un homme nouveau, un homme d’imagination et de fantaisie qui manie les finances avec dextérité, sans perdre son temps dans de trop longues études, sans se préoccuper des conditions d’une politique financière. Il a bientôt réalisé une économie ou découvert un impôt à établir, surtout lorsqu’il s’agit de faire l’économie sur la dotation des cultes ou de prélever l’impôt sur les congrégations. Du premier coup, avec l’ingénieuse fertilité de son esprit, il a trouvé le moyen, sinon d’éteindre le déficit, du moins de l’expliquer à la satisfaction du parti républicain, et l’explication est on ne peut plus facile, surtout on ne peut plus sérieuse. Oui, vraiment, s’il y a des difficultés, c’est tout simplement la faute des monarchies, des régimes qui ont précédé la république. Supposez seulement que le budget fût allégé de toutes les charges du passé, qu’il n’eût pas à payer les 548,641,520 francs, « conséquence annuelle, directe et rigoureuse de la guerre de 1870, » le déficit n’existerait pas, c’est évident. Mon Dieu ! oui, la guerre a laissé des charges qu’il a fallu subir, que le budget de 1876 supportait néanmoins encore sans déficit, — et comme on a trouvé sans doute que le fardeau n’était pas assez lourd, les républicains, à leur arrivée au pouvoir, ont jugé que le moment était venu d’accroître toutes les dépenses au lieu de les restreindre. Ils ont trouvé naturel d’élever en quelques années le budget de la France de 2 milliards 1/2 à plus de 3 milliards, d’ajouter plus de 200 millions au ministère des finances pour de nouveaux emprunts, plus de 100 millions au ministère de l’instruction publique, 3 millions 1/2 au ministère des affaires étrangères, 5 millions au ministère de la justice pour la réforme judiciaire, 8 millions au ministère de l’intérieur, 100 millions au ministère de la guerre,