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infimes emplois, qui avait toujours paru le complément obligatoire de toute évolution mettant un nouveau parti en possession du pouvoir exécutif aux États-Unis. Là devra se borner, provisoirement au moins, l’action directe du président. Ni lui ni ses ministres ne peuvent prendre l’initiative de mesures à proposer au congrès. Il ne peut que conseiller ce qu’il croit bon et opposer son veto à ce qu’il trouve mauvais. Or le sénat, dans le quarante-neuvième congrès qui commencera à siéger l’année prochaine, sera encore républicain, et les élections pour la chambre des représentans, qui viennent d’avoir lieu en même temps que l’élection présidentielle, semblent avoir réduit à une trentaine de voix la majorité des démocrates dans cette assemblée. On ne peut donc s’attendre à une activité extraordinaire sur le terrain législatif, et les choses vont sans doute suivre à peu près le même cours que sous l’administration républicaine.

On pense généralement que la question douanière deviendra l’affaire principale, la préoccupation prédominante des hommes d’état américains. Mais il ne faut pas oublier que les démocrates sont très divisés en ce qui concerne le tarif. Le parti a des chefs libre-échangistes comme M. Carlisle, du Kentucky, président de la chambre, et des chefs protectionnistes, comme M. Randall, de la Pensylvanie. On tient, dans l’Ouest, pour un tarif plus libéral et, dans l’Est, pour le maintien de la protection. On peut certainement attribuer aux énergiques déclarations de M. Blaine en faveur du régime des droits protecteurs les conquêtes faites dans les derniers mois par les républicains dans tous les états de la Nouvelle-Angleterre, dans le New-York, dans l’Ohio et la Pensylvanie. Toutes les fois que les démocrates parlent du libre-échange, ils ont hâte de formuler toutes sortes de restrictions. Leur platform de Chicago, en juillet dernier, déclare nettement qu’il ne faut pas priver les industries de la protection dont elles ont besoin. La formule la plus généralement employée dans les déclarations du parti est celle-ci : « Nous favorisons un tarif ayant pour objet de produire un revenu limité aux nécessités d’un gouvernement administré économiquement et réglé dans son application de manière à éviter des charges inégales, à encourager les industries et la production à l’intérieur, et à conférer au travail une rémunération légitime sans créer ou soutenir des monopoles. » Il y en a, on le voit, pour tous les goûts, et ce serait se leurrer que d’attendre du triomphe des démocrates une brusque modification dans la politique économique traditionnelle des États-Unis.


A. MOREAU.