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et que même, dans les derniers jours de la lutte et presque dans les premières heures qui ont suivi le scrutin, elle ait pu sembler douteuse.

Aussitôt que les républicains, dans leur convention nationale tenue en juin à Chicago, eurent adopté la candidature de M. James-Gillespie Blaine, une scission violente éclata au sein du parti. Le groupe des « indépendans, » faible par le nombre, puisqu’il ne dispose peut-être pas de plus de 100,000 à 150,000 voix sur plus de 10 millions d’électeurs, mais qui compte dans ses rangs les citoyens les plus intelligens, les plus éclairés et, affirme-t-on, les plus honnêtes des états de la Nouvelle-Angleterre et de New-York, prit avec éclat position contre M. Blaine et contre M. Logan, choisis comme candidats républicains pour la présidence et la vice-présidence. Il était impossible, dirent les chefs du groupe dans d’imposans meetings tenus à Boston et à New-York, que les indépendans consentissent à sanctionner de leurs votes un choix tendant à confier les destinées du parti républicain, compromis par les agissemens des politiciens de l’école grantiste, à des hommes dont le nom ne pouvait signifier que le renouvellement et la perpétuité de ces agissemens flétris par l’opinion publique. Les indépendans ne craignirent pas de pousser l’esprit d’opposition jusqu’à déclarer qu’ils voteraient pour MM. Cleveland et Hendricks, que la convention nationale démocratique tenue en juillet venait d’adopter pour ses candidats.

C’est l’influence néfaste exercée par le général Grant sur les mœurs du parti républicain, de 1872 à 1876, qui a déterminé aux États-Unis la formation d’un tiers parti résolu à secouer le joug des grandes organisations électorales et à revendiquer la liberté du vote. Déjà, en 1872, les républicains « libéraux, » sous la direction de M. Cari Schurz, du Missouri, du poète-journaliste William Cullen Bryant, de M. George-William Curtis et d’autres citoyens éminens de New-York, avaient essayé d’empêcher la réélection du général en s’alliant avec les démocrates. Après les scandales de la seconde présidence de Grant et la formation, autour du héros de Vicksburg et de Richmond, de ce cénacle de politiciens véreux qui érigea la corruption politique et administrative en système régulier de gouvernement, après les trop fameuses affaires Belknap, Babcock, Shenck, Orville Grant, et toute cette boue que les enquêtes de la majorité démocratique du congrès en 187(5 remuèrent dans l’entourage et jusque dans la famille du président, le parti républicain parut définitivement condamné par le soulèvement de l’opinion publique. L’ancien groupe des libéraux, reconstitué sous le nom de « républicains indépendans, » estimait cependant que le parti républicain