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Les diverses stations préhistoriques du Midi ont donné des ossemens humains intentionnellement brisés. Les crânes des hommes étaient fracturés comme ceux des animaux, les mâchoires inférieures portaient la trace de coups frappés avec des armes de pierre ; les ossemens montraient, non-seulement l’empreinte des instrumens tranchans qui avaient servi à les dépouiller de leur chair, mais aussi celle des dents qui les avaient rongés. Ces dernières empreintes sont larges, plates, absolument différentes de celles laissées par les carnassiers; aussi les explorateurs ont-ils cru pouvoir les attribuera l’homme. Auprès de Paris, à Villeneuve-Saint-George, à La Varenne-Saint-Maur, il n’est pas rare non plus de retrouver les vestiges de es tristes repas.

Les fouilles de la grotte de Montesquieu-Avantès, dans les environs de Saint-Girons, ont mis au jour un foyer recouvert d’une couche stalagmitique assez épaisse. Sous ce foyer et sous une couche d’argile subjacente gisaient des ossemens de ruminans et de carnassiers, du grand chat et du grand ours des cavernes, confondus avec eux, de nombreux fragmens de crânes, de fémurs, de tibias, d’humérus ou de cubitus ayant appartenu à l’homme. Tous ces os, ceux de l’homme comme ceux des animaux, étaient fracturés de la même façon ; les uns portaient les traces d’un instrument contondant, les autres des stries fines produites par un outil tranchant. Il était impossible d’attribuer ces érosions, ces incisions à un rongeur, car les ossemens attaqués par ces animaux présentent invariablement des empreintes régulières se répétant par séries. Une seule conclusion est possible; tous les ossemens recueillis étaient les débris abandonnés de la nourriture de l’homme.

Les sacrifices humains, prélude du cannibalisme, ont existé en Angleterre dès la plus haute antiquité. Les inhumations sous les mégalithes ou sous les barrows étaient suivies de la mort des serviteurs ou des esclaves du chef que l’on prétendait honorer, et les cérémonies funéraires se terminaient par un repas dont la chair des victimes formait le mets le plus succulent. A Kent’s-Hole, au milieu d’objets très divers qui se rencontrent dans la terre noire, on a relevé certains ossemens humains portant encore la marque des dents de l’homme. Il est impossible de fixer avec quelque certitude l’âge des différentes couches de cette caverne; nous pouvons seulement affirmer que les plus anciens dépôts sont bien antérieurs à l’invasion romaine et qu’ils datent, selon toutes les probabilités, des premiers temps où l’Angleterre était habitée.

Les troglodytes du Portugal se nourrissaient, eux aussi, de chair humaine, et les fouilles d’une seule grotte, qui paraît n’avoir jamais été une sépulture, ont donné près de 3,500 dents humaines.