Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
402
REVUE DES DEUX MONDES.

égard dans l’ancien régime. Mais le drap était moins répandu. À la toile très usitée jadis a succédé en grande partie la laine. L’usage des souliers est devenu habituel dans les campagnes. La blouse bleue de travail cache plus d’une fois la veste de drap. Le chapeau de feutre à larges bords est toujours dans le costume un des signes caractéristiques du Breton ; on le dit seulement plus élégant. Le costume du dimanche est propre et sévère, en drap noir. On remarque pourtant un certain goût de clinquant qui tend à se répandre même chez la classe inférieure dans l’un et l’autre sexe, ce qui n’est pas d’ailleurs tout à fait une nouveauté.

Il faut reconnaître ce qu’a gagné le logement, mais c’est ici surtout que bien des réserves sont nécessaires. On doit distinguer dans la ferme les bâtimens d’exploitation destinés aux grains et aux troupeaux, quand elle a assez d’importance pour en posséder, et les habitations des gens de la ferme. Or, même dans les exploitations moyennes, ce qui a le moins avancé, c’est l’état des bâtimens d’exploitation, je ne dis pas dans tous les cas, il s’en faut, mais dans un grand nombre qui forme peut-être la majorité : dans les établissemens de même étendue, les logemens habités présentent, sous le rapport de l’hygiène et du confortable, les inégalités les plus grandes. Plus d’une fois, nous avons été agréablement surpris en voyant dans des exploitations assez médiocres des chambres bien carrelées et où ne manquait aucune condition nécessaire d’air et de lumière. Trop souvent aussi nous avons éprouvé une impression toute contraire. L’humidité est le fléau d’un grand nombre de ces habitations. Elle y cause de fréquentes maladies chez les adultes et plus souvent encore chez les enfans. Rien ne se réforme plus lentement que le logement dans les populations rurales. C’est le dernier emploi qu’elles donnent à leurs économies. Mais si ces remarques s’appliquent à des fermes moyennes, que dire des habitations de la classe dont il s’agit ici spécialement ? On y est glacé ou enfumé tour à tour. L’espace restreint amène la cohabitation du cochon avec les gens, ou, du moins, il n’est séparé d’eux que par une cloison. On doit désirer que la réforme du logement, commencée dans la classe la plus aisée, se complète sur des points essentiels. Quel visiteur d’une ferme bretonne n’a remarqué ces armoires à lits étages les uns par-dessus les autres et séparés par une sorte de plafond en planches ? C’est, par excellence, le système breton, et il frappe l’étranger comme une des originalités du pays ; mais, bien qu’il se prévale d’une longue antiquité, il n’en est pas moins fort critiquable. L’air circule mal, on étouffe dans ces armoires à lits. Les inconvéniens redoublent pour les malades, sans parler de l’ascension pénible et ridicule à laquelle ce système condamne le médecin. Le manque de portes et fenêtres se fait sentir partout. Ces