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qui entrent dans la nourriture des paysans bretons sont peu variés ; au reste ils se soucient peu de la variété. Les essais faits pour diversifier leur ordinaire par les propriétaires qui les emploient réussissent peu ; à des mets assez savoureux dont notre goût s’accommoderait ils préfèrent la nourriture traditionnelle à laquelle rien, en effet, ne manque pour faire des hommes sains et forts quand la quantité s’y trouve, particulièrement pour le lard. — Le régime du paysan breton, bas-breton surtout, excepté dans les contrées les plus privilégiées, peut être défini de la façon suivante : la soupe, avec ou sans accompagnement de lard, deux ou trois fois par jour, la bouillie de gruau d’avoine avec le pain de blé noir, de seigle et d’orge, et le beurre, la pomme de terre. Dans la plupart des cas, le lard n’est consommé qu’en très petite quantité. Le lait, qui, dans les fermes aisées tient une assez grande place dans l’alimentation, est remplacé dans les fermes pauvres par la bouillie détrempée d’eau. Si peu que l’aisance s’élève, il s’y joint, le dimanche, le far au four ou le far avec du riz. Tout le monde sait quel perpétuel usage on fait en Bretagne des crêpes au sarrasin ; on les met jusque dans la soupe. Dans certaines régions, on use beaucoup de la bouillie de millet avec du lait caillé. Le cidre faible, le plus souvent l’eau, est la boisson de l’ouvrier rural et du petit cultivateur, sauf à se rattraper sur l’eau-de-vie le dimanche et les jours fériés. Le reproche le plus fréquent qu’on puisse adresser à une des parties les plus essentielles de cette alimentation est une préparation défectueuse qui la rend indigeste. Le pain de seigle ou d’orge est souvent mal cuit. Le sarrasin, très nutritif et qui, en somme, empêche cette race de trop s’affaiblir, se présente sous la forme d’une galette d’une assimilation difficile. On peut considérer ce défaut de cuisson, qu’il serait pourtant si facile de corriger, comme un inconvénient capital. Il empêche l’assimilation d’une quantité notable d’élémens nutritifs et devient une cause de faiblesse, même de désordres et de maladies assez fréquentes qui affectent les voies digestives. Il est presque inutile d’ajouter après cela qu’on fait peu d’usage de la viande de boucherie dans les campagnes. Nous estimons que, dans le Morbihan, celui des départemens bretons où l’alimentation laisse le plus à désirer, la moitié de la population ne consomme guère plus de 10 kilogrammes de viande par tête et par an. Le poisson figurait davantage autrefois dans la nourriture des travailleurs agricoles. Dans quelques parties de la Bretagne, l’ouvrier qui engageait ses bras stipulait même expressément qu’on ne lui donnerait pas plus de trois fois du saumon à manger par semaine. La sardine seule occupe une place considérable dans l’alimentation. Ce régime, qui nous paraît ne pas dépasser, quand il les atteint, les limites du strict nécessaire, était, il y a moins d’un