Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
387
LES POPULATIONS RURALES DE LA FRANCE.

guère 1,500 francs, le revenu 40 francs en corps de ferme et le rendement en blé à l’hectare 14 hectolitres. — La population agricole et la population maritime se partagent l’arrondissement de Paimbœuf, où se trouve la région fort connue sous le nom de pays de Retz, renommé par l’excellence de ses fromens, ses fourrages, ses vignes, l’élève du bœuf portée jusqu’aux soins les plus minutieux. On y retrouve dans la famille des habitudes patriarcales, dont toute trace est loin d’être effacée dans la Loire-Inférieure. — C’est surtout dans la région étendue qui forme l’arrondissement de Saint-Nazaire que se rencontrent des particularités dignes d’être remarquées ; elles tiennent à la grande diversité des exploitations et des industries agricoles qui créent sur un même sol des populations profondément différentes. La presqu’île de Guérande s’est en quelque sorte transformée par le fumier, le goémon, le noir animal, la marne des marais, un labour plus profond, et l’on peut croire que l’or apporté par les étrangers au Croisic, au Pouliguen, n’a pas été étranger à ces résultats. La petite culture jardinière a créé des valeurs, parfois entre 2,000 à 4,000 francs l’hectare, pour les terres ordinaires, qui ne valaient pas la moitié, avec des revenus au moins doublés. C’est surtout aux environs du Croisic que ces élévations se sont produites. Elles sont beaucoup moindres dans les domaines plus étendus d’Herbignac et d’Escoublac. Certaines parties offrent un morcellement extrême, mais non préjudiciable en général. À Montoir et dans quelques autres localités, la terre, divisée en petits compartimens, ressemble à un damier. On n’en doit pas tirer de conclusions trop générales pour la Loire-Inférieure. La tendance de la petite propriété à s’accroître y est moindre que dans la Basse-Bretagne et on y remarque, non-seulement plus de grands propriétaires, mais plus de domaines moyens d’une certaine étendue exploités par ceux qui les possèdent.

Le même arrondissement présente deux types de propriété et de population, des plus originaux qu’offre la Bretagne : l’un se rapporte à l’exploitation d’un sol bourbeux, l’autre aux marais salans. La Grande-Brière mottière est une immense plaine bourbeuse de 8,000 hectares qui fournissent une quantité énorme de mottes de chauffage. On y trouve un mélange assez particulier de propriété individuelle et de propriété collective. Dix-sept communes sont indivisément propriétaires de ce grand domaine. La vaste plaine renferme d’ailleurs beaucoup de petits propriétaires de maisons, de jardins, de petits champs. Propriétaires ou simples salariés, les Brierons ont une existence qu’aucune autre ne rappelle. La plaine, changée l’hiver en un grand lac, semble faire d’eux une population de marins. Ils transportent les mottes par les cours d’eau en rapport avec ce lac intérieur et pèchent le poisson, qui y arrive en assez