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LES POPULATIONS RURALES DE LA FRANCE.

gagne, mais y gagne seule, surtout aux abords des villes. C’est ainsi que, dans l’arrondissement de Saint-Brieuc, la propriété maraîchère a donné aux terres près de cette ville une valeur exceptionnelle. Les champs se louent de 150 à 240 francs l’hectare (le petit propriétaire en exploite de 3 à 5) ; son matériel d’exploitation se compose d’une petite voiture, d’un âne et d’une ou deux vaches. Tous les travaux se font à bras, avec la bêche, la houe et le râteau. Les plants de choux de Saint-Brieuc, renommés dans toute la Bretagne, sont à eux seuls une fortune pour le petit cultivateur, qui y joint en outre la production du lait et du beurre, qu’il vend à un prix élevé. Cette industrieuse catégorie de cultivateurs a trouvé des imitateurs dans plusieurs communes, qui y ont aussi rencontré des ressources inattendues. — Il s’en faut pourtant que l’aisance règne également dans toutes les parties du territoire. L’arrondissement de Loudéac offre une proportion de landes double de celle des autres arrondissemens. Les terres y ont une valeur moyenne moindre, et le rendement à l’hectare y faiblit d’une manière très appréciable, surtout si on le compare avec Dinan, qui, dans ce département, conserve presque toujours une supériorité que partage à certains égards l’arrondissement de Guingamp, où se font remarquer les progrès de la culture et de l’élève des bêtes à cornes et des chevaux. — Mal partagé sous ce dernier rapport, mais favorisé sous beaucoup d’autres, le territoire de Lannion trouve sa principale supériorité dans les céréales. Il n’est pas rare qu’on vende les terres 3,000 et 3,500 francs l’hectare. On y remarque que les plus grandes fermes sont généralement les mieux cultivées, ainsi que les moyennes, qu’on voit se louer de 100 à 130 francs l’hectare. Les petites fermes et les pièces isolées se louent, il est vrai, de 120 à 160 francs l’hectare, étant plus recherchées ; mais, quoique convenablement cultivées, elles le sont moins bien, parce que les capitaux manquent trop souvent à ceux qui les exploitent. — Ces prix se rapportent en général au littoral ou aux parties les meilleures de l’intérieur, où ils tombent, dans les régions moins privilégiées, à 60 et 80 francs pour la location. Les bonnes terres se vendaient encore là à des prix courans de 2,000 francs l’hectare. C’est d’ailleurs d’une manière fort différente que, dans quelques-unes de ces contrées, ces termes de grande, moyenne ou petite propriété veulent être interprétés. À Lannion, par exemple, la grande propriété commence à 20 hectares et va rarement jusqu’à 50. La moyenne est de 10 à 20 ; la petite, partant depuis la parcelle, atteint jusqu’à 10 hectares. Nous pouvons en conclure que les éloges qu’on accorde à la grande propriété, dans cet arrondissement et dans quelques autres, s’adressent au fond à la moyenne, laquelle règne surtout dans l’intérieur,