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culture fructueuse et récente de la pomme de terre, la grosse et la petite culture maraîchère ont contribué aussi à donner à ces terres très divisées un prix exceptionnel et rendu l’aisance plus générale par ses développemens pour ainsi dire incessans. Toute la partie méridionale, îles et plages, du Morbihan, rivalisent avec cette fertilité dont le meilleur modèle est peut être présenté par Belle-Ile-en-Mer, située dans l’arrondissement de Lorient, exploitée par une tranquille et laborieuse population qui s’étonne de voir au milieu de ce pacifique tableau d’une existence exclusivement agricole des images guerrières comme les restes du château-fort élevé par le surintendant Fouquet, et les fortifications qui y ont été construites après la guerre. On distingue à Belle-Ile-en-Mer, au milieu d’une énorme quantité de petites cultures, quelques vastes domaines. Celui de Brute, le plus connu de tous, est exploité par M. Trochu, le frère du général, et reçoit des visiteurs de tous les pays.

En revanche, on est trop souvent frappé dans l’intérieur du Morbihan de l’état peu avancé de la culture, au point qu’on l’a comparée à la culture arabe. Elle reste fidèle à la coutume de l’assolement triennal sur presque tous les points encore. Il y a pourtant assez de bonnes terres pour qu’une culture bien entendue pût doubler le revenu, au dire des juges les plus compétens, et comme l’atteste l’expérience dans les territoires où des efforts d’amélioration ont été tentés. Dans des cantons tels que ceux de Hennebont, de Pluvigner, de Ploërmel, de Pontivy, de Josselin, etc., les propriétaires ont fait ce qui a lieu partout où la culture donne des bénéfices ; ils ont fait alterner régulièrement les céréales avec les racines et les fourrages artificiels ; et le succès a répondu à ces emplois de la culture améliorante. Des progrès sérieux ont été accomplis pourtant : étonnans pour l’élève du cheval, réels aussi pour l’outillage et pour les divers modes de culture. Nul doute que ces améliorations n’aient contribué à renchérissement des terres depuis cinquante ans. Nous n’oserions pourtant les y faire figurer à part égale avec le goût qui a fait rechercher la terre, le perfectionnement, même incomplet, des routes, et l’accroissement du débouché. On a vu sur le territoire si pauvre de Questembert les landes quadrupler de prix et se vendre 450 francs à l’hectare. — La grande propriété ne manque pas dans le Morbihan, où l’on rencontre en assez grand nombre des domaines de 100 à 150 hectares. A-t-elle réalisé des perfectionnemens plus grands que la petite qui y domine ? C’est fort douteux. D’abord, comme dans le reste de la Bretagne, elle perd un peu sa nature en se morcelant pour la location. On cite les grands propriétaires qui conservent la totalité de leur domaine pour l’exploiter, l’affermer, ou créer des améliorations importantes. Ceux-là résident ou passent du moins une partie de l’année sur leurs terres.