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LES POPULATIONS RURALES DE LA FRANCE.

du Midi se développent avec une abondance et une vigueur merveilleuses, ne demandant au propriétaire presque d’autre soin spécial que d’abriter ces productions délicates contre la tempête et contre la morsure du vent d’ouest et de nord-ouest qui souffle habituellement en Bretagne. De là, sur le littoral, un contraste pittoresque. À quelques pas d’une plage rude et sauvage, qui n’offre que des rochers dénudés, et un aspect de ciel et de mer qui rappelle les tristesses et les violences du Nord, vous voyez tout à coup s’épanouir la végétation du Midi : les figuiers gigantesques, les lauriers et les grenadiers, les myrtes et les camélias croissant en pleine terre jusque dans les mois d’hiver réputés les plus rigoureux. À mesure qu’on s’éloigne du littoral, la campagne, montueuse ou plate, rentre dans les conditions ordinaires et prend son caractère purement breton. La vie se resserre à tous les points de vue. Ici, et fréquemment, s’étale la lande stérile et monotone, là s’étendent les plaines fertiles, mais qui ne sentent plus l’effet de ces puissantes influences de l’océan qui créaient de véritables prodiges. Ce sont seulement de nombreux cours d’eau, des prairies naturelles d’une agréable fraîcheur, presque partout un mélange que vous ne rencontrerez peut-être nulle part à ce degré d’attristante sécheresse et de riante fertilité, mélange qui se traduit tour à tour par la misère et par l’aisance, et dont le prix de vente et de location des terres est la manifestation économique. Ce n’est pas assurément qu’en Bretagne, et en particulier dans le Finistère, le pittoresque et la fécondité aillent toujours ensemble. Trop fréquemment même, c’est le contraire. Mais la relation, qui paraît assez naturelle, entre la nudité du pays et le dénûment de ceux qui l’habitent n’est souvent que trop visible. On peut en juger lorsque, dans le nord de la Cornouaille, on suit les longues routes blanches et raboteuses qui montent aux flancs des monts Arrées, où de bruns et maigres troupeaux broutent une herbe rare. Alors le regard se perd dans des océans d’ajoncs et de genêts, qui de temps en temps laissent apercevoir une chaumière isolée, un îlot de verdure qui se détache au milieu de l’aridité environnante. — Mais c’est par milliers qu’il faudrait citer de pareils exemples.

Que d’ailleurs l’aspect du pays charme ou contriste le regard, peu importe ; partout la puissance productive, et plus encore la valeur vénale des terres, ont augmenté. On pouvait vanter, il y a un siècle déjà, avec le voyageur Cambry, les agrémens d’une des plus aimables parties de la Bretagne, le pays de Quimperlé, mais la terre y avait relativement peu de prix. Depuis que ce délégué du gouvernement révolutionnaire parcourait le Finistère, dont il nous a laissé une description parfois curieuse, mais trop incomplète et fort emphatique, la valeur des terres, dans l’arrondissement de Quimperlé,