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LES POPULATIONS RURALES DE LA FRANCE.

ment à l’appui des progrès économiques réalisés par la Bretagne rurale, mais nous nous garderons de conclure qu’elle est la plus avancée des provinces françaises parce qu’il n’y en a pas qui offre une densité numérique supérieure ; en effet, elle présente, en face des autres départemens français, dont la moyenne de densité est de 68 ou 69 habitans par kilomètre carré, des chiffres atteignant un maximum tel que 92 pour les Côtes-du-Nord, 99 pour le Finistère, moindre, quoique aussi très élevé, pour les autres départemens bretons. On doit encore aujourd’hui faire la part aux traditions prolifiques du pays, mais on peut mettre en ligne de compte dans un accroissement aussi continu une augmentation de l’aisance qui, quoique imparfaite à bien des égards, est néanmoins très réelle. Le chiffre total de la population bretonne était, selon Necker, de 2,276,000 en 1784 ; en prenant ce chiffre pour base, et le comparant avec les résultats actuels, on constate un accroissement d’environ 740,000 habitans ; il ressort même à environ 810,000, si on adopte pour terme de comparaison le relevé officiel de 1881. On peut en tous cas regarder comme établi que la population bretonne a augmenté dans une proportion qui se rapproche assez d’un tiers depuis le commencement du siècle. C’est un résultat qui n’est pas à dédaigner au point de vue particulier de nos recherches, si on se rend compte de la proportion relativement si considérable de l’élément agricole en Bretagne. Mais, pour être sûr qu’il répond à une augmentation du bien-être, il faudra que la production animale et végétale ait suivi un développement supérieur encore à celui de la production humaine, et que des facilités accrues dans les moyens d’existence témoignent de la réalité de l’amélioration.

C’est ce qui ressort de l’examen comparé des faits en prenant pour point de départ soit la fin du dernier siècle, soit la période du demi-siècle qui vient de s’écouler. Sans doute on doit regretter que les seuls documens statistiques auxquels on puisse attribuer un caractère suffisant d’exactitude et de précision manquent trop avant 1789 et ne soient pas à l’abri de toute critique dans la première partie de notre siècle. Ce qu’on en possède n’est pas inutile pourtant, et la notoriété de certains faits va plus d’une fois jusqu’à la certitude. Nous ne craignons pas d’exagérer en affirmant que le gros bétail, source d’alimentation et de revenu, a doublé ou triplé. Une statistique récente portait à 1,770,000 le nombre des têtes de gros bétail ; c’est une proportion supérieure au reste de la France et même à l’Angleterre à égalité de superficie. La race chevaline s’est non seulement accrue énormément, mais elle s’est beaucoup perfectionnée. Elle comptait pour peu au dernier siècle, à l’exception d’un petit nombre de points où l’élève du cheval avait reçu des encouragement de l’état. On peut consulter les documens où il est question de