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chemins de fer. Il vota pour la seconde fois une loi portant que les administrateurs de district seraient nommés sur une liste de présentation dressée par les conseils locaux. Le gouvernement ne crut pas pouvoir consentir à ces empiétemens multipliés sur ses attributions constitutionnelles. Les refus de sanction succédèrent aux refus de sanction. La crise était arrivée à l’état aigu quand eurent lieu les élections de 1883.

Ces élections furent un triomphe pour l’opposition. Jamais la majorité n’avait été si nombreuse ni si compacte. Elle procéda sur-le-champ à l’exécution du programme tracé d’avance. Le lagthing fut composé exclusivement de gens « sûrs. » Puis, après une discussion qui dura du 6 au 23 avril, le ministère tout entier fut décrété d’accusation. Le 9 mai, l’acte d’accusation était rédigé. Les griefs qu’il relevait étaient le refus de sanction à la décision du 17 mars 1880 sur la question du conseil d’état, le refus d’exécution de la décision du 9 juin, et le refus de sanction aux deux décisions de 1882 relatives à la nomination des administrateurs des chemins de fer et aux subventions à la société d’armement national. Un comité fut nommé pour soutenir l’accusation. Par une dernière précaution, on avait divisé les instances. Au lieu de renvoyer les onze ministres ensemble devant la haute cour, on décida d’instruire séparément le procès de chacun. On en donna divers prétextes, mais la raison déterminante était la crainte que la constitution ne fût interprétée de manière à étendre le droit de récusation, si plusieurs accusés étaient traduits en même temps devant la cour. Le storthing laissait pourtant le comité libre de réunir les instances s’il le jugeait à propos. Comme on devait s’y attendre, le comité fit savoir, le 23 juin, qu’il n’userait pas de cette faculté.

Les débats s’ouvrirent le 7 août par le procès de M. Selmer. L’accusation était soutenue par M. Dahl, avocat à la cour suprême, assisté de MM. Bentsen et Blehr, procureurs à la même cour. Le ministre était défendu par un des premiers avocats de Christiania, M. Bergh, avocat à la cour suprême, qui était assisté de deux de ses confrères, MM. Heyerdahl et Heffermehl.

L’exercice du droit de récusation souleva une première difficulté. L’accusé pouvait récuser un tiers des membres de la cour. Or ils étaient au nombre de trente-huit. La défense prétendait en récuser treize pour que le droit fût exercé dans toute sa plénitude. Ces conclusions furent repoussées : la cour ne voulut admettre que douze récusations péremptoires. Mais un débat bien plus grave s’engagea sur les récusations motivées. La défense refusait d’accepter pour juges tous ceux des membres de la cour qui avaient pris part à la décision du 9 juin 1880. Comment leur impartialité n’aurait-elle pas été suspecte? Les ministres étaient accusés pour