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dont la dernière se prolongea fort avant dans la nuit, une adresse de défiance fut votée à 65 voix contre 47.

Le ministère, à la tête duquel se trouvait alors M. Stang, était dans une situation difficile. Il ne pouvait guère répudier en principe une proposition dont le gouvernement avait lui-même tant de fois pris l’initiative. Mais il sentait que l’opposition avait entrepris de le vaincre avec ses propres armes. Il crut tout concilier en posant des conditions. Lorsque le storthing, en 1874, renouvela son vote de 1872, avec un léger changement de rédaction rendu nécessaire par un remaniement, survenu dans l’intervalle, dans l’organisation du conseil d’état, le gouvernement fit savoir qu’il était prêt à accorder sa sanction si on lui concédait les quatre points suivans : — le droit de dissolution ; — l’extension à quatre mois de la durée des sessions, pourvu que l’indemnité journalière des députés ne pût jamais dépasser au total 1,440 kroner (environ 2,000 francs); — la détermination d’un chiffre de 6,000 kroner (8,400 francs) pour les pensions des ministres; — la faculté pour le roi de renvoyer à la prochaine session la sanction des résolutions du storthing. Le gouvernement présenta effectivement un projet contenant ces quatre conditions, qui fut rejeté à l’unanimité en 1877.

Le gouvernement demandait trop ou trop peu. S’il était résolu à n’accepter un gouvernement parlementaire que dans des conditions acceptables, il fallait demander la révision de la constitution. Les réformes qu’il réclamait étaient bonnes en elles-mêmes; mais elles ne pouvaient pas suffire à contre-balancer l’énorme prépondérance que le storthing allait s’attribuer. Le droit de dissolution lui-même était illusoire : les tendances du corps électoral étaient trop connues pour qu’il fût permis de rien espérer d’un appel aux électeurs. L’exemple du Danemark, où le folkething est dissous à peu près tous les ans depuis qu’il existe, était bien fait pour démontrer l’inanité de ce moyen de défense. Si pourtant le gouvernement se contentait de conditions aussi modestes, mieux valait n’en formuler aucune. C’était s’exposer sans profit à un échec et diminuer les chances de conciliation.

La résolution votée en 1874 fut votée de nouveau en 1877; puis enfin, après deux jours de discussion, par 93 voix contre 20, le 17 mars 1880. Le 29 mai, le roi refusa encore sa sanction.

C’est alors que M. Sverdrup prit un parti extrême. La constitution de 1814 contient un article 79, relatif au veto suspensif du roi, qui porte que, quand le storthing a renouvelé par trois fois, et toujours à trois ans de distance, la même résolution dans des termes identiques, cette résolution prend force de loi sans que la sanction royale soit nécessaire. M. Sverdrup s’empara de cet article. La