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de ses projets ni de son système. « La séparation des pouvoirs, disait-il, est une phrase creuse (en vrövl). Le pouvoir doit être un, et il faut qu’il se concentre tout entier dans la salle du storthing. » Depuis le jour où M. Sverdrup a formulé ce programme, il en a poursuivi la réalisation sans relâche, avec une conviction qui n’admet pas de contradicteurs et une obstination qui brise les obstacles.

Pourtant il ne fut pas suivi tout d’abord. Le projet, présenté de nouveau à chaque saison par le gouvernement ou par l’initiative parlementaire, essuya une série d’échecs; le nombre des opposans alla même en augmentant et, en 1866, le projet ne put réunir la majorité simple : 45 voix seulement furent favorables contre 55. Pourtant les partisans du gouvernement commençaient à ouvrir les yeux. C’était encore la droite qui, poussant l’équité et la bonne foi jusqu’à l’imprudence, avait, par l’organe de Schweigaard, proposé et fait voter en 1859 une répartition plus proportionnelle des députés, laquelle eut pour effet de porter le nombre des représentans des campagnes de 67 à 74 et de réduire celui des députés des villes de 50 à 43. Mais, lorsque la majorité rurale, ainsi renforcée, vint à réclamer une réforme plus radicale consistant à rendre annuelles les sessions qui étaient alors triennales, la minorité combattit la proposition et le gouvernement refusa longtemps sa sanction. Il se décida pourtant à la donner en 1869, malgré les pressentimens et les craintes exprimés par les chefs de la droite, Schweigaard et Aschehoug. Quand le premier storthing annuel ouvrit ses séances, en 1871, et choisit M. Sverdrup pour son président, deux hommes considérables venaient de disparaître de la scène politique : Schweigaard et Ueland avaient assisté pour la dernière fois au storthing en 1869. M. Sverdrup se trouvait débarrassé du même coup d’un illustre adversaire et d’un patronage gênant. Il avait le champ libre.

Dès 1872, il ouvrit les hostilités en déposant lui-même la proposition qui était destinée à faire tant de bruit. Elle portait que les ministres auraient accès aux séances du storthing et de chacune des deux chambres; qu’ils prendraient part aux délibérations, mais non aux votes, sous réserve du droit du storthing ou de chaque chambre de tenir des séances secrètes. La discussion fut ardente. Les rôles, cette fois, étaient renversés. La majorité appuyait le projet, qui était combattu par la droite. Pour la première fois, il triompha : 80 voix contre 29 se prononcèrent en sa faveur.

Quelques jours après, le gouvernement fit savoir qu’il refusait sa sanction. Le mécontentement fut très vif dans le sein du storthing. Les difficultés que fit le gouvernement d’autoriser quelques jours de prolongation de la session réglementaire portèrent le mécontentement au comble. Le 15 mai, après quatre séances orageuses,