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qui ont été organisées pour former le goût public en même temps que pour instruire les artistes et les ouvriers. L’Angleterre, qui est la terre classique de l’initiative privée, a créé le musée de Kensington et elle possède une administration spéciale (Art-Department) qui a dans ses attributions tout ce qui concerne l’enseignement du dessin. Le budget annuel dont cette administration dispose s’élève à 6 millions. En Allemagne furent successivement organisés le musée d’art industriel, à Nuremberg; le musée national bavarois, à Munich; le musée des arts décoratifs, à Berlin; des musées et des écoles spéciales à Dusseldorf et à Francfort, sans compter les établissemens fondés dans les principaux centres industriels par des associations qui reçoivent de l’état ou des villes de larges subventions. En Autriche, le musée d’art et d’industrie, ouvert à Vienne depuis 1863, est justement renommé. Le musée d’art industriel créé à Moscou en 1863 et l’Institut technologique de Saint-Pétersbourg ont donné une vive impulsion aux progrès des manufactures de la Russie. Quelques-uns des établissemens qui viennent d’être cités ont dû leur création à l’initiative de sociétés particulières. L’état les a ensuite adoptés et faits siens, à raison de leur caractère d’utilité nationale et des dépenses que devait entraîner une extension jugée nécessaire. Mêmes efforts, mêmes sacrifices se rencontrent dans les autres pays, en Suisse, en Belgique, en Suède, etc. Aux États-Unis, la munificence de quelques citoyens a pu suppléer l’action directe de l’état; celui-ci n’est cependant pas demeuré indifférent, et l’on sait avec quelle énergie les Américains du Nord s’appliquent aujourd’hui à produire les articles de luxe et d’art qu’ils demandaient à l’Europe. Devant ces exemples multipliés et concordans, il est impossible de méconnaître le devoir des gouvernemens et des budgets, le rôle qui leur appartient, l’intervention qui leur est imposée, afin de propager les saines notions du goût et de les rendre populaires par l’enseignement que répandent les musées d’art industriel libéralement dotés. Aussi convient-il d’accueillir le vœu émis à cet égard par la commission d’enquête, proposant d’allouer une dotation spéciale qu’elle évalue à 5 millions « pour la création d’écoles et musées d’art industriel et pour encouragemens à donner aux écoles et musées créés par l’initiative privée. » Ne serait-ce qu’au point de vue de la concurrence, le pays doit supporter les dépenses nécessaires pour conserver, en matière de goût et d’art, la supériorité qui lui est si ardemment disputée.

La commission s’est montrée plus réservée au sujet des écoles professionnelles. En présence des avis différens qu’elle a recueillis, elle s’est bornée à demander qu’une impulsion plus grande soit