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techniques, générales ou spéciales, dont la création est proposée. Tous les avis s’accordent pour réclamer des perfectionnemens, presque une réforme, dans les pratiques de l’enseignement; ils diffèrent quant à l’adoption des procédés qui conduiraient le plus sûrement au but. Cette différence s’explique par la diversité même des sentimens, des besoins et des intérêts au nom desquels les avis ont été exprimés.

Les directeurs et les professeurs des écoles existantes où l’art décoratif est enseigné d’une manière générale se préoccupent avant tout de créer un enseignement d’ordre supérieur, exigeant plusieurs années d’études assidues, au terme desquelles l’élève serait capable d’appliquer son savoir à toutes les formes de l’industrie artistique. Ils se plaignent de ne pouvoir conserver assez longtemps les jeunes gens admis à leurs cours, parce que ces élèves, pressés de recevoir une rémunération ou un salaire, se contentent d’une demi-instruction qui leur procure un emploi immédiat; c’est ce qui s’observe également pour l’apprentissage. Un autre sujet de plainte, et tout contraire, c’est que les meilleurs élèves, trop confians dans leurs succès, abandonnent souvent la carrière de l’art industriel et profitent de l’accès qui leur est trop facilement ouvert à l’École des beaux-arts pour devenir peintres, sculpteurs, graveurs, etc., manquant ainsi la destination plus modeste, mais plus certaine et plus utile, vers laquelle ont été dirigées leurs premières études. Les renseignemens fournis à la commission d’enquête par M. Louvrier de Lajolais, directeur de l’École des arts décoratifs, sont très complets sur ces différens points. L’école voit passer chaque année sur ses bancs plus de deux mille élèves; mais le quart à peine de ces élèves suit avec une régularité continue les cours de l’enseignement, qui dure en moyenne trois années. Or, d’après M. de Lajolais, il faudrait cinq ou six ans pour faire un dessinateur ou un modeleur utilisable pour l’industrie. Dans ces conditions, les écoles supérieures, consacrées spécialement à l’art décoratif, ne pourront jamais être bien nombreuses. Elles n’ont de raison d’être, et elles ne recruteront un effectif suffisant d’élèves qu’à Paris et dans quelques grandes villes, où se forment naturellement les états-majors de l’industrie régionale. En donnant une part plus grande à l’enseignement du dessin dans les écoles normales d’instituteurs et d’institutrices, ainsi que le demande le rapport de la commission, cet enseignement, qui est le point de départ, se propagera par les écoles primaires, destinées à alimenter les écoles supérieures comme les écoles spéciales ou professionnelles, en faveur desquelles la plupart des chefs d’industrie sollicitent les encouragemens et les subventions des villes ou de l’état.