de l’ancien régime assuraient, par la formation d’apprentis sérieusement instruits et surveillés, le recrutement des ateliers. La suppression des corporations a détruit cette garantie, que les lois réglementaires n’ont point remplacée. Dans un grand nombre d’ateliers, les patrons et les ouvriers, au lieu d’instruire les apprentis, les réduisent au rôle de domestiques. Malgré les prescriptions de la loi, secondées par la surveillance des sociétés de patronage, cet abus subsiste, et il ne pourra jamais être complètement empêché. Il doit être moindre pourtant dans les industries d’art, les patrons étant très intéressés à organiser une pépinière de bons ouvriers, préparés de bonne heure aux travaux délicats de la production artistique. Partout, en effet, où les chefs d’industrie ont pu former librement des écoles d’apprentis, ils se sont empressés de le faire. Mais cette liberté leur est rarement laissée ; à Paris, elle leur manque presque absolument. Cela tient à deux causes. Dès qu’un apprenti se croit en mesure de gagner un salaire, sa famille oublie trop souvent les clauses du contrat qui l’engage à l’égard du patron ; il sort, à demi instruit, de son premier atelier, et le patron ne tient pas à l’y ramener par les voies toujours douteuses d’une action en justice. Quand il a subi plusieurs aventures de ce genre, le chef d’industrie renonce tout à fait à recevoir des apprentis. En outre, il y a des ateliers où les ouvriers interdisent au patron, sous peine de grève, d’avoir des apprentis au-delà d’un nombre déterminé et très restreint, ces adjoints pouvant leur faire concurrence et arrêter la hausse du prix de la main-d’œuvre. Les corporations de l’ancien temps étaient à cet égard moins exclusives que ne le sont les syndicats de notre démocratie. Un grand industriel, entendu par la commission, a déclaré que ses ouvriers ne lui permettaient pas d’entretenir plus de deux apprentis ! Et ce fait n’est pas isolé. La conséquence, c’est que l’apprentissage n’existe pour ainsi dire plus dans un certain nombre d’industries. Que l’on ajoute à cette lacune les difficultés que la nouvelle loi sur le travail des enfans dans les manufactures, loi nécessaire d’ailleurs, apporte à l’emploi et à la formation des jeunes ouvriers, on se rendra aisément compte de la situation défavorable qui est faite à l’ensemble de nos industries d’art, en concurrence avec l’industrie étrangère, qui ne rencontre pas, au même degré, les obstacles résultant soit de la tyrannie des ouvriers, soit des prescriptions légales.
Ainsi s’explique en partie le nombre toujours croissant d’ouvriers étrangers qui viennent travailler à Paris. Ne pouvant plus compter sur le recrutement normal que fournissait l’apprentissage, les patrons sont obligés de se pourvoir autrement et ailleurs ; ils embauchent des Allemands, des Belges, des Suisses, des Italiens,