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restituant les provinces dont le premier empire l’avait spolié[1]. — « Il n’y a que deux solutions, répliquait le prince Napoléon à la tribune du sénat, l’unité de l’Italie avec Rome pour capitale, ou l’intervention armée avec ses désastres. » Il disait, citant les pontificats de Grégoire VII, de Boniface IX et de Jules II, que toutes les pages de l’histoire attestaient les maux causés par la puissance temporelle. Il démontrait que la religion et la sainteté du culte n’exigeaient pas que le chef de l’église fût souverain, que les papes, n’ayant acquis leur pouvoir que par des moyens temporels, pouvaient le perdre de la même manière. Il rappelait le traité de Tolentino, que le pape avait signé malgré son serment. Il s’attaquait à la papauté avec des fragmens de dépêches tirées des correspondances du duc de Chaulnes, du cardinal de Bernis, du marquis de Cadore, de M. de Laval, du baron de Damas. Il invoquait les jugemens de Napoléon Ier, les appréciations de Chateaubriand[2] et les discours de Lamartine[3] pour faire ressortir les abus du régime pontifical, pour montrer que les prêtres avaient été institués pour la prière et non pour dominer, pour bénir et non pour maudire, et que la dignité du premier pontife était incompatible avec le titre de souverain. « Ge que je demande, disait le prince Napoléon en descendant de la tribune, c’est que le gouvernement de l’empereur fasse entendre sa voix et se décide. J’ai pleine confiance que la solution ne saurait être autre sous Napoléon III que sous Napoléon Ier, que le spirituel sera dégagé du pouvoir temporel, et que l’ombre et le génie du grand empereur inspireront son successeur. »

Ces paroles véhémentes, partiales, n’étaient pas de nature à faciliter la tâche au gouvernement impérial. Elles irritaient à juste titre la cour pontificale et les catholiques de tous les pays; elles attisaient les passions italiennes ; elles encourageaient le parti révolutionnaire.


V.

L’émotion fut vive en France, dans les derniers jours de 1867, lorsqu’on apprit que Garibaldi marchait sur Rome avec ses volontaires. La convention du 15 septembre était violée; l’Italie avait méconnu ses devoirs, elle n’avait pas surveillé ses frontières : le pape était menacé. L’opinion s’indignait; on demandait où s’arrêterait la condescendance impériale. L’ingratitude de l’Italie, qui ne

  1. Le congrès de Vienne rendit au pape les duchés de Camerino, de Ponte-Corvo et de Bénévent, les marches d’Ancone, Macerata et Fermo, les légations de Ravenne, Bologne et Ferrare.
  2. Chateaubriand, Études historiques.
  3. Lamartine, discours à la chambre des députés, 1847.