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il ne négligeait aucune démarche pour obtenir sa participation à la conférence de Londres, alors que M. de Bismarck y mettait infiniment peu de bonne grâce. Il persistait à tenir l’alliance italienne pour certaine dans toutes les éventualités. Il puisait sa confiance dans les lettres qu’il échangeait avec le roi Victor-Emmanuel, dans les affirmations passionnées du prince Napoléon et dans les protestations de M. Nigra et de M. Vimercati, son secret intermédiaire. Il oubliait que le roi Victor-Emmanuel, tout populaire, tout loyal qu’il pût être, était un souverain constitutionnel, et qu’au jour des épreuves, il aurait, avant de se souvenir de ses promesses écrites ou verbales, à compter avec son ministère et son parlement. Il le lui avait fait comprendre déjà bien péniblement le 4 juillet 1866, au lendemain de Sadowa, il devait le lui faire sentir plus cruellement encore, au mois de juillet 1870[1].

Loin de nous assister, à l’heure où la Prusse ne cherchait qu’un prétexte pour se jeter sur la France, le gouvernement italien méditait, sous l’inspiration d’un agent secret de M. de Bismarck[2], l’envahissement des états pontificaux. « Garibaldi, écrivait M. de Malaret à la date du 23 avril, se proposerait de prendre le commandement d’une expédition qui, organisée à Gênes, irait débarquer sur le littoral romain, tandis qu’à la première nouvelle d’un mouvement insurrectionnel à Rome, des bandes d’émigrés se tiendraient prêtes à franchir la frontière méridionale. Il n’est pas douteux que le parti révolutionnaire redouble d’efforts, qu’il compte profiter des événemens pour provoquer un conflit avec le gouvernement pontifical à l’insu ou de connivence avec le gouvernement italien. »


IV.

La question romaine, depuis l’expédition de 1859, n’avait pas cessé d’être pour la France une source d’embarras et de déceptions. Elle provoquait contre sa politique tout à la fois les ressentimens des catholiques et le courroux des révolutionnaires. Elle fut

  1. L’affaire du Luxembourg.
  2. C’était M. Bernardi, que notre politique devait retrouver en Espagne mêlé aux intrigues de la candidature Hohenzollern : « Je dînais avec M. Bernardi et quelques hommes politiques, m’a raconté le premier secrétaire de la légation d’Autriche à Madrid, lorsque l’un d’eux vint à préconiser la candidature Hohenzollern; un coup de pied parti de dessous la table m’atteignit aussitôt. La botte de M. Bernardi s’était trompée d’adresse ; elle me révéla le secret de l’agent prussien et de ses complices. »