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SOUVENIRS DIPLOMATIQUES

LA FRANCE ET L’ITALIE

I.
1866-1870.

L’Italie a été, depuis le commencement de ce siècle, l’objet de nos sympathies les plus ardentes. Nos poètes l’ont chantée, nos historiens ont glorifié son passé; nos orateurs et nos publicistes ont pris en main la cause de son indépendance, et tous nos gouvernemens, l’un après l’autre, depuis le premier empire, lui ont donné des marques efficaces de leur assistance.

Elle est aujourd’hui l’objet des plus amères critiques, on la rend responsable de nos malheurs, on lui reproche son ingratitude, on lui prête les sentimens les plus perfides. La France, comme bien souvent, a passé d’un extrême à l’autre; elle a cédé, sous le coup de ses dures épreuves, à de légitimes passions. Ses ressentimens eussent été moins amers, peut-être, si, plus réfléchie et mieux instruite, elle avait pu se rendre compte de l’enchaînement des circonstances qui ont amené l’Italie, dans une heure périlleuse pour nos destinées, à ne tenir compte que de ses intérêts[1].

  1. Ma carrière, à deux reprises, m’a conduit en Italie. J’étais premier secrétaire de notre légation à Turin, en 1864, au moment où le siège du gouvernement allait être transféré à Florence pour satisfaire à la convention du 15 septembre : l’influence de la France dans la péninsule était alors prépondérante. Je suis retourné en Italie, au mois de décembre 1870, pour répondre à l’appel de la délégation de Tours, au moment où le parlement italien venait de proclamer Rome capitale de l’Italie : la convention du 15 septembre était déchirée, l’empire s’était écroulé et Paris était assiégé !