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la responsabilité de ce propos naïf. Les députés prétendent que c’est M. le président du conseil qui a donné cette raison pleine de candeur ; les amis de M. le président du conseil assurent que c’est la commiasion du budget qui a imaginé cette considération victorieuse de l’intérêt électoral. Toujours est-il que la raison a paru décisive, et que d’un commun accord on a renoncé à de nouveaux impôts, — au moins pour cette année prochaine, c’est-à-dire pour l’année des élections. Comment faire alors pour rétablir une apparence d’équilibre ? Il ne restait plus que les réductions de dépenses, les économies ; mais où prendre les économies ? Il eût été possible sans doute de supprimer un certain nombre d’emplois, ne fût-ce que ceux qui ont été inutilement créés depuis quelques années ; on n’y a pas même songé. On s’est mis à fouiller dans tous les services, dans tous les ministères, avec l’arrière-pensée de satisfaire, chemin faisant, de vulgaires rancunes. On a pris même à l’Institut une petite somme, — 10, 000 francs pour combler le déficit ! — et on a surtout largement puisé dans le budget des cultes, dans les dotations des chapitres, des vicaires-généraux, des séminaires, qu’on a diminuées de quelques millions. C’est toujours la grande préoccupation qui reparaît à propos de tout ! Le rapporteur du budget, M. Jules Roche, proposait même comme un supplément de ressource un impôt sur les congrégations, et M. Paul Bert, qui tient à ne pas être oublié, a trouvé mieux : il a imaginé de mettre la main sur les palais épiscopaux, sur un certain nombre d’édifices ecclésiastiques et de les vendre : on fera toujours quelques millions. Voilà qui est un système ! Seulement si on n’a pas d’autre moyen de combler le déficit, de rétablir l’équilibre des finances, le pays sait d’avance qu’il n’échappera pas aux impôts nouveaux, — après les élections.

Ces étranges politiques ont beau faire, ils ont beau avoir devant eux les affaires les plus épineuses, les intérêts les plus graves, ils ne peuvent se défendre de leurs vulgaires préjugés et s’élever au-dessus d’une désespérante médiocrité. On dirait que, pour eux, l’art du gouvernement se réduit à jouer avec la fortune de la France, à satisfaire leurs passions et à assurer le plus possible leur domination de parti. Ce triste esprit se manifeste partout, même, on peut le craindre, dans le nouveau régime électoral proposé pour le sénat comme une conséquence de la dernière revision constitutionnelle. Certes, cette revision accomplie il y a trois mois a été un tapage inutile. Puisque c’était fait, on aurait pu du moins saisir l’occasion de donner une sérieuse et forte organisation à la première de nos assemblées, à cède qui, après tout, depuis quelques années, a le plus marqué par sHs lumières, par l’éclat et l’autorité de ses discussions. Pas du tout, on fait de cette réforme un expédient de parti. Voilà où aboutit tout ce bruit de la revision. D’abord les inamovibles disparaissent, c’était facile ik prévoir, et le système que proposait le gouvernement en