Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vier. Commenter ! quelques semaines viendra-t-on à bout de tout cela ? On ne cesse de répéter à propos de toutes les questions importunes qu’il faut en finir, et la vérité est qu’on n’en finit pas, qu’on ne se hâte pas, qu’en dépit de toutes les commissions occupées à délibérer, à préparer des rapports, rien ne se dessine d’une manière distincte ou à demi rassurante. On continue à se débattre dans une certaine impuissance agitée, parce qu’il est malheureusement vrai qu’on ne se rend pas compte de la gravité des choses, que dans une situation où il faudrait l’expérience, une forte raison politique, une résolution éclairée, on porte plus que jamais les imprévoyances, les infatuations, les petiis calculs, les préjugés, les impérities qui ont créé justement toutes les difficultés du jour. Savez-vous où est le mal du moment ? C’est qu’on ne voit pas clair dans toutes ces questions qui s’agitent, ni dans la guerre de Chine, ni dans les finances, ni dans la réforme du sénat, ni dans bien d’autres choses, et qu’on ne croit pas du tout à ceux qui, après avoir créé les embarras par leur politique, n’ont à offrir d’autre remède que leurs procédés, leurs vanités et leurs tactiques de parti.

Et d’abord voici cette guerre de la Chine et du Tonkin. Certes, s’il est une affaire qui touche le seniiment public, c’est cette affaire où nos soldats, engagés au loin, se dévouent, combattent et meurent pour le pays, pour l’honneur du drapeau. Quelle que soit la politique qui les envoie, soldats et marins sont toujours prêts à marcher. Ils ont fait leur devoir à Fou-Tchéou, dans cette action qu’un rapport récent de M. l’amiral Courbet a remise en sa vraie lumière, sans rien exagérer et sans iien affaiblir. Ils ont vaillamment combattu à Kelung, à Tamsui, dans l’île de Formose, aussi bien qu’à Bac-Niuh, à Lang-Kep, à Bac-Lé, partout où ils ont trouvé l’ennemi. Il n’y a que quelques jours encore, sous les ordres du colonel Donnier, ils ont vigoureusement refoulé à Chu les bandes chinoises qui envahissaient le Tonkin et ils ont planté leur drapeau sur les positions conquises. Tout ce que des chefs militaires dévoués et de courageux soldats pouvaient faire avec des moyens limités et des instructions peu précises a été fait visiblement. Il ne reste pas moins avéré qu’au lendemain de chaque action, nos soldats ont été obligés de s’arrêter, qu’ils semblent en ce moment réduits à se défendre contre une invasion chinoise, et, qu’après deux années de tâtonnetïiens, d’expériences, de négociations, de marches et de contremarches, la question de l’occupation du Tonkin, de la paix ou de la guerre avec la Chine n’est pas plus avancée ; elle reparaît, tout entière. S’il en est ainsi encore à l’heure qu’il est, si les succès obtenus par nos soldats n’ont rien décidé pour l’avenir de cette lointaine entreprise, à qui la faute ? Elle n’est certainement qu’à une politique qui, depuis deux ans, semble aller à l’aventure, sans avoir une idée fixe, toujours partagée entre des résolutions contra-