médiocrement soucié du choix de ses mots et de l’équilibre de ses phrases ? Ou bien encore cette théorie de l’impassibilité, que l’on a tant reprochée aux Parnassiens, — et dont je parle ici tout exprès parce qu’elle n’est qu’une apparence, une enveloppe, en un mot une question de forme, — est-ce l’auteur de la Femme de Claude ou de la Princesse George, et l’auteur de l’Éducation sentimentale ou de Bouvard et Pécuchet qui eussent pu refuser d’y souscrire ? Sous la diversité des effets il faut nous habituer à reconnaître l’identité des principes. Laissons dire M. Catulle Mendès et laissons dire M. Zola : l’un et l’autre procèdent bien de la même origine ; Parnassiens et Naturalistes travaillent bien à la même œuvre ; ce sont des frères ennemis, mais ce sont bien des frères ; et par un dernier trait qui achève la ressemblance, après leur avoir accordé les prémisses qu’ils nous demandent, c’est quand ils en veulent tirer des conclusions inadmissibles que la discussion commence, ou mieux encore quand leurs œuvres viennent maladroitement contredire les théories dont ils nous les donnent comme l’application et la preuve.
On peut te demander, il est vrai, si ce qui convient au roman ou au théâtre convient et peut également convenir à la poésie. Les vers de M, Leconte de Lisle sont quelquefois bien beaux, d’une solidité, d’une plénitude et d’une sonorité rares, mais ils sont toujours bien durs, bien froids, bien « marmoréens, » comme on dit entre Parnassiens. Ceux de M. François Coppée sont toujours faits de main de maître, mais ils sont souvent bien prosaïques, et d’un prosaïsme si simple qu’ils en sont positivement plats. Et ceux de M. Sully Prudhomme sont toujours pleins de sens, — ou du moins je n’en connais pas qui ne veuille dire quelque chose, — mais ils sont bien laborieux, toujours, et souvent elliptiques, enveloppés, obscurs, chargés de mots qui s’étonnent de se voir dans un vers français. Ce seront là, si l’on veut, de ces taches dont la faiblesse humaine, en aucun art ni jamais, n’a pu ni ne pourra se garder entièrement. Mais ne serait-ce pas plutôt, chez eux comme chez les autres Parnassiens, une conséquence de leur esthétique ? La poésie doit-elle serrer la réalité de si près, suivre si fidèlement les contours des choses, transcrire au lieu de transposer ; et, en perdant de son vague, ne perdrait-elle pas quelquefois de son prix, bien loin d’en tirer, comme l’on croit, un autre et nouvel éclat ? Déjà l’art dramatique a reconnu qu’il ne pouvait pas pousser au-delà d’une certaine limite la fidélité de ses reproductions, et M. Dumas, qui jadis était parti du même point, a dû protester éloquemment, dans la préface de son Étrangère, contre une dangereuse intrusion du naturalisme au théâtre. En effet, l’art dramatique a ses conventions, conventions nécessaires, qui sont sa raison d’être, et s’il cessait de s’y conformer, — car c’est toujours là qu’il en faut revenir, — peu importerait le