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les bureaux de la Revue fantaisiste et s’y saluèrent poètes, on fait tort de leur part dans l’œuvre commune à tous ceux dont l’auteur des Vignes folles et celui de Philoméla ne furent adirés tout que les continuateurs plus bruyans et moins bien inspirés. Une erreur de trois ou quatre ans ravit ainsi à l’école entière l’honneur de ses vraies origines. Et je ne sais si l’on ne peut dire qu’en se trompant de moins que rien sur un chiffre, M. Catulle Mendès la prive tout simplement de sa place, de sa raison d’être et du meilleur même de son influence dans l’histoire de la littérature française contemporaine.

Quand le jour sera venu, dans quelque cinquante ans d’ici, d’écrire cette histoire, il est effectivement une année qu’on y devra noter comme féconde, significative et caractéristique entre toutes. C’est cette année 1857, qui vit paraître coup sur coup la Question d’argent, de M. Dumas fils. Madame Bovary, de Gustave Flaubert, et les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire. Ce que toutes ces œuvres, et quelques autres que l’on y pourrait joindre, ont de commun entre elles, un seul critique alors, autant du moins qu’il me souvienne, M. J.-J. Weiss, eut assez de pénétration pour l’apercevoir, et de bonheur pour le démêler. Grâce à lui, grâce à ce triage aussi que le temps opère tout seul, nous le discernons plus clairement aujourd’hui, sans qu’il soit encore bien facile de le définir avec exactitude. Il semble toutefois que ce fût au dehors, dans la forme, une certaine vigueur ou même brutalité de facture, et intérieurement, au fond, un effort pour serrer la réalité de plus près. Le roman de Flaubert, essentiellement différent de celui de Balzac, s’opposait au roman de Charles de Bernard ou de Jules Sandeau à peu près comme le théâtre de M. Dumas fils, profondément différent de celui de son père, s’opposait au théâtre de Scribe ou Bayard. Plus nettement posé dès lors dans l’esprit de M. Dumas fils, moins nettement dans celui de Flaubert, le problème était bien le même ; et, pour l’un comme pour l’autre, il s’agissait d’établir entre la littérature et la vie ce que nous pourrions appeler une équation parfaite. On n’oubliera pas que c’était aussi l’objet de M. Taine, qui publiait, vers ce temps-là même, ses premiers Essais de critique et d’histoire. La direction générale du mouvement étant ainsi déterminée, nous allons voir comment les premiers Parnassiens s’y rattachent. Ce n’est point, en effet, à M. Catulle Mendès, qui n’avait pas, je crois, encore mis les pieds à Paris, non plus qu’au fameux Glatigny, qui cabotinait alors aux environs de Carpentras ou d’Alençon, c’est à M. Théodore de Banville et à M. Leconte de Lisle que ce titre doit appartenir. L’un et l’autre venait de faire paraître le premier recueil de ses Poésies complètes.

Victor Hugo, Lamartine et Musset, dans la première moitié, ou, plus exactement, dans le second quart de ce siècle, de 1825 à 1850, nous