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à leur ouvrir ses portes à deux battans dans toute l’étendue des territoires que la France possède ou possédera quelque jour sur le Congo ou sur le Niger, car on se propose d’appliquer au Niger comme au Congo « les principes adoptés par le congrès de Vienne à l’effet d’assurer la liberté de la navigation sur quelques fleuves internationaux. » Une conférence s’assemblera prochainement à Berlin pour dresser ce contrat, pour en stipuler toutes les clauses, et nous voyons bien les bénéfices qu’en retirera l’Allemagne, nous voyons moins clairement ce que nous pourrons y gagner. L’Association internationale était convenue avec nous que si jamais elle se dessaisissait de ses possessions sur le Congo, elle nous octroierait le droit de préemption. On nous reconnaîtra ce droit, mais nous l’avions déjà, En revanche, nous concéderons à l’Allemagne l’absolue liberté du trafic partout où flottera notre drapeau, moyennant quoi, comme le remarquait fort justement M. Francis Charmes, « elle ne s’opposera pas à ce que nous soyons maîtres du territoire. Elle ne tient pas à posséder la terre, c’est une manie française et parfois onéreuse; l’important pour elle est de pouvoir circuler à l’aise chez nous sans avoir rien à payer. » Quel que soit l’avenir des nouvelles colonies allemandes, elles ont déjà procuré à l’Allemagne un précieux avantage. Elle nous fera part de ce qu’elle a, nous lui ferons part de ce que nous avons, et tout porte à croire que nous donnerons beaucoup plus que nous ne recevrons.

M. de Bismarck est le roi des opportunistes. Selon les cas, il regarde la liberté commerciale comme le plus pernicieux des fléaux ou comme le plus désirable des biens. Il prétendait, un jour, que le libre échange réduit une nation à l’appauvrissement, à l’anémie, qu’il avait sauvé l’Allemagne en lui restituant ses droits protecteurs, que, sous le régime du laissez faire et du laissez passer, « elle eût fini par succomber à la perte de sang et à l’épuisement. » Mais ce qui lui paraît mauvais chez lui, il le trouve excellent chez les autres. « La France, lui répondait M. de Courcel à la date du 29 septembre, est disposée à accorder la liberté commerciale dans les positions qu’elle tient ou qu’elle pourra acquérir plus tard dans le Congo. Par la liberté du commerce, nous entendons le libre accès pour tous les pavillons, l’interdiction de tout monopole ou traitement différentiel. » Heureusement il ajoutait: « Mais nous admettons l’établissement de taxes qui pourront être perçues comme compensation des dépenses utiles. »

Cette réserve était bonne à faire, et nous espérons que le gouvernement français l’interprétera dans son sens le plus rigoureux. Nous y tenons d’autant plus que nous avons sous les yeux deux brochures allemandes, dont les auteurs témoignent quelque défiance touchant l’avenir des colonies allemandes et s’accordent à déclarer que c’est encore dans les colonies d’es autres que le commerce allemand trouvera