coloniale, l’accusaient d’avoir compromis l’empire dans une aventure. Mais je vous l’avoue, a-t-il ajouté sur un, ton d’ironique et hautaine bonhomie, il m’en coûtait de signifier à ces entrepreneurs africains, dont le courage, dont l’enthousiasme pour leur œuvre m’avait sincèrement réjoui, que l’empire allemand ne se sentait pas assez fort pour les protéger, qu’il encourrait le mauvais vouloir d’autres états, que, comme l’a si justement représenté M. le député Bamberger, il s’attirerait des Hasardes dont il ne pourrait obtenir satisfaction. Oui, comme le premier chancelier de l’empire nouvellement créé, j’ai été pris d’une certaine pudeur, d’une sorte de répugnance à m’exprimer ainsi, et quand j’aurais cru à notre faiblesse ou à notre incapacité, j’aurais été embarrassé de répondre à ceux qui sollicitaient notre appui : « Nous sommes trop pauvres, nous sommes trop craintifs pour accorder l’assistance de l’empire à votre annexe de l’empire, et la nation allemande fait banqueroute aux entreprises d’outre-mer. »
Au surplus, avant de se prononcer, M. de Bismarck s’était livré à une sérieuse enquête pour s’assurer que le territoire occupé par M. Lüderitz ne pouvait être revendiqué par personne. Il avait pris la peine de constater que, dans les documens officiels anglais, le fleuve Orange était indiqué comme la frontière nord de la colonie du Cap, et que les possessions portugaises au sud du Congo ne s’étendaient pas jusqu’au cap Frio. Cependant, pour l’acquit de sa conscience, au mois de décembre 1883, il adressa une note au gouvernement anglais pour s’informer si la Grande Bretagne possédait un droit de propriété sur cette partie de la côte africaine, si elle élevait des prétentions sur le Namaqua et, dans le cas de l’affirmative, sur quel titre elle les fondait. Le gouvernement anglais ne répondit pas tout de suite. Au lieu de causer avec Berlin, il engagea une correspondance avec le Cap. M. de Bismarck trouva qu’on le faisait trop attendre, il finit par perdre patience et, pour prévenir toute supposition erronée, il expédia, le 24 avril, un télégramme à l’effet de mettre en demeure les intéressés et de leur faire savoir par l’entremise du consul allemand que M. Lüderitz et ses établissemens étaient placés dès ce jour sous la protection de l’empire. Le gouvernement anglais prit son parti; le 23 juin, il mandait au chancelier qu’il ne croyait posséder aucun droit sur cette partie du littoral et qu’en conséquence, le gouvernement du Cap respecterait, lui aussi, l’acquisition allemande. Il est des cas où il ne faut pas faire attendre sa réponse ; on trouva toujours quelque avantage à donner un air de bonne grâce à Ses résignations.
Ce n’est pas seulement sur l’e littoral du Namaqua que l’Allemagne a planté son drapeau. Elle a pris possession de la baie de Biafra, des rivages qui font face à l’île espagnole de Fernando-Pô ; la voilà installée à l’est du delta du Niger, à l’extrémité de cette côte de Guinée, qui est à la fois le Brésil et la Guyane de l’Afrique. Les établissemens