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le climat, les indigènes, le manque de voies de communication.

Du climat si meurtrier de l’Afrique équatoriale il est inutile de parler; quant aux indigènes, les Pahouins surtout, ils lutteront énergiquement contre les progrès des Européens, qu’au fond ils regardent comme leurs ennemis. En ce qui concerne les moyens de transport, deux seulement sont possibles à cause du manque absolu de bêtes de somme : le portage à dos d’hommes, impraticable dans l’Ogooué par suite de la mauvaise volonté des indigènes, et la navigation en pirogue.

L’Ogooué, depuis les îles de N’Djolé, située environ à deux cents milles de son embouchure, est encombré de rapides, absolument infranchissables aux chaloupes à vapeur aussi bien qu’à toute embarcation européenne.

Les pirogues sont de grands canots, ayant jusqu’à 20 mètres de longueur, taillés d’une seule pièce dans le tronc d’un okoumé. Dans le bas Ogooué, où ces arbres sont fort beaux, les Galloas construisent de grandes pirogues pouvant porter deux ou trois tonnes de marchandises. Celles dont on se sert généralement pour remonter le fleuve jusqu’à Franceville exigent des équipages de quinze à vingt hommes et peuvent au plus charger 6 à 700 kilos. Les pagayeurs se tiennent debout, maniant avec une dextérité merveilleuse leurs pagaies, ridiculement petites. Les pagaies sont de deux formes ; les unes se composent d’un bâton long d’environ 2m, 50, à l’extrémité duquel se trouve une ouverture où l’on insère une rondelle de bois de 0m, 10 de diamètre, fixée au moyen de deux baguas de laiton; les autres sont faites d’une seule pièce; leur pelle, un peu plus forte, est taillée en forme de poire, la partie la plus large du côté du manche.

Pour franchir les rapides à la montée, on emploie quatre méthodes différentes, La première est la plus ordinaire: quand on possède une pirogue très légère et un équipage expérimenté, on force tout simplement le passage. Mais malheur à vous si le courant se rend maître de votre embarcation ! celle-ci vient en travers, se remplit et chavire en un clin d’œil. La seule ressource alors est de s’accrocher aux lianes qui maintiennent le chargement et d’attendre que le courant vous dépose sur quelque point de la rive, où vous arrivez trempé et dénué de tout rechange, si les lianes n’ont pu résister au choc. Je ne parle pas de la chance que l’on a d’être broyé sur les roches. La deuxième méthode consiste à faire haler la pirogue par les pagayeurs. La troisième nécessaire l’emploi de longues perches au moyen desquelles on se pousse à travers de petits canaux latéraux. La quatrième n’est usitée que dans les passages