ans, le nombre des crimes et des délits s’est élevé de vingt-six mille à plus de quatre-vingt-un mille, et qu’en présence de ces chiffres, il est évident que les lois pénales actuelles sont, ou trop douces, ou défectueuses, qu’elles ne font plus aucun effet sur les êtres incorrigibles qu’elles frappent, non pas une seule fois, hélas! mais deux fois, trois et quatre fois encore. Pour nous, l’inaltérable sérénité des juges lorsqu’ils voient reparaître devant eux les mêmes criminels, et la sérénité non moins inaltérable avec laquelle ils appliquent aux « chevaux de retour » les mêmes peines, nous a souvent surpris. Comment peuvent-ils rester impassibles devant cette armée du vice qui se recrute sans cesse et va toujours en grossissant, et qui reparaît incessamment devant eux ? Les récidivistes sont légion et plus que légion! Loin de trouver la loi que l’on prépare trop sévère, les philanthropes dont nous parlons devraient être les premiers à reconnaître qu’il n’y a pas une minute à perdre pour changer l’application en quelque sorte mécanique de lois punissant sans jamais régénérer.
La transportation appliquée aux condamnés des cours d’assises a purgé le territoire français de ses grands criminels ; la même peine appliquée aux habitués des tribunaux de police correctionnelle délivrera Paris du spectacle de plus en plus public de leurs mœurs honteuses. Nos boulevards, nos prisons de détention et nos maisons centrales seront moins peuplés : ce sera la seule conséquence qui pourra en résulter. Le vagabond, le souteneur de filles, l’escroc laissent rarement derrière eux une famille. Ils en ont peu, ils en élèvent moins à coup sûr que l’homme des champs, qui, à la suite d’un meurtre commis dans un accès de fièvre jalouse ou de colère passagère, est envoyé à perpétuité aux pénitenciers de la Nouvelle-Calédonie. Alors pourquoi de la pitié pour les malfaiteurs incorrigibles? Gardons-la ou plutôt pratiquons-la, cette pitié, à l’égard de pauvres êtres plus dignes de notre sollicitude. N’avons-nous pas à protéger les orphelins, les enfans abandonnés, à faciliter la réhabilitation des natures repentantes, à développer les sociétés de patronage? Donnons tous nos soins à ces attachans et terribles problèmes, car, le jour où ils seront résolus, avec eux disparaîtront aussi les lois d’exception.
EDMOND PLAUCHT.