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fait placer le prisonnier paresseux dans une étroite cellule ; au plafond se trouve un orifice d’où se précipite une trombe d’eau. Cette eau monte rapidement. A portée se trouve un bras de pompe en fer, et, pour ne pas être noyé, le misérable est contraint de pomper sans trêve jusqu’à l’heure où cesse la punition. Nous préférons de beaucoup notre système fondé, non sur l’imitation d’une torture du moyen âge, mais sur la crainte, qui est, comme dit l’Écriture, le commencement de la sagesse.

Les maisons centrales auront encore un autre avantage qui touche aux intérêts du trésor, c’est-à-dire aux nôtres. Les réclusionnaires coûtent à l’état, au maximum, 0 fr. 70 par jour. Un transporté revient à 2 francs. Il y a environ huit mille détenus de cette dernière catégorie : c’est donc journellement une dépense de 16,000 francs, soit près de 6 millions par an. On évalue pour la première année à six mille le nombre des récidivistes qui seront atteints par la nouvelle loi. Admettons pour un instant que la moitié d’entre eux veuille ou daigne travailler, ce que nous ne croyons pas ; c’est donc encore une dépense de 12,000 francs de plus par jour à ajouter au budget. Dans cette somme énorme ne sont pas compris les frais judiciaires, qui généralement restent au compte du trésor, ni les frais de transport de l’île de Ré à Nouméa, ni ceux des femmes légitimes qui demandent à rejoindre leurs maris en Nouvelle-Calédonie et auxquelles on ne refuse jamais un passage gratuit. Au bagne, tout est coûteux pour l’état, et cependant on peut y contempler cet étrange spectacle d’hommes condamnés aux travaux forcés ne faisant rien, ne recevant pas moins une nourriture abondante, des vêtemens et le reste. Ceux des transportés que M. Pallu de La Barrière voulut employer à ouvrir des routes, — et ils y étaient à peu près tous, — reçurent de la viande, du café, du tafia, du sucre et du vin. Le détenu des maisons centrales, lui, ne coûte rien. Ses dépenses sont couvertes par les travaux des prisonniers. On peut citer une de ces maisons de correction où l’entrepreneur des travaux paie à l’état une prime de 0 fr. 05 à 0 fr. 10 par réclusionnaire; il prend en outre à sa charge les frais de nourriture, d’entretien, d’éclairage et les médicamens.

Mais, dira-t-on, la construction de nouvelles maisons centrales dans les pays d’outre-mer donnera lieu à des dépenses, et, avec un budget trop surchargé, il sera difficile d’y consacrer des fonds. Dépenses bien légères, répondrons-nous, puisque la main-d’œuvre est déjà toute trouvée gratuitement à Nouméa, et qu’elle sera fournie à vil prix à Cayenne par les relégués dès leur débarquement. L’économie produite à la longue par la différence de l’entretien