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et à la Guyane devrait être tenue plus sévèrement encore que les maisons centrales de Melun, de Poissy, de Beaulieu et de Gaillon ; le travail en commun; à la moindre infraction, le travail en cellule; devant un refus de travail, la nourriture réduite à une livre de pain et à une gamelle de soupe légère, le matin et le soir. Jamais de vin, plus de tabac, de l’eau claire toujours. En cas de rébellion, le cachot, le cachot sombre; pour exercice, une promenade d’une heure chaque jour dans un préau aux murailles grises ; le silence comme à la Trappe. Trois mois de ce régime infligés aux forçats-assassins de la cinquième catégorie de l’île Nou, ou aux relégués quatre ou cinq fois relaps, corrigeraient mieux que les années de paresse légale qui se cachent sous ces deux mots : prison et pénitencier.

On sait combien les réclusionnaires ont en exécration les maisons centrales. Pour en franchir le seuil abhorré, pour ne pas sentir peser sur leurs épaules le poids d’épaisses murailles, les réclusionnaires assassinaient autrefois leur gardien dans l’espoir d’être envoyés en Nouvelle-Calédonie. Eh bien ! cette maison de force si redoutée, ils l’auraient continuellement devant les yeux, à Nouméa comme à Cayenne, toujours prête à recevoir dans son enceinte sombre le meurtrier, le sinistre paresseux, l’évadé, le pillard en rupture de ban et le détrousseur de grands chemins. Voilà ce qu’il faut édifier dans nos colonies pénitentiaires avant toute chose, et l’on verra si la crainte d’une « centrale exotique » ne pliera pas les incorrigibles. Plus de surveillant ni de codétenu assassiné, plus d’évasions et, à leur suite, plus de vol à main armée; le devoir, le travail même, tout plutôt que de retourner au régime de la maison centrale.

Peut-être trouve-t-on que c’est frapper trop rudement. Nous ne le pensons pas, si l’on veut rendre possible le séjour de nos possessions d’outre-mer, si l’on veut éviter à d’honorables officiers le ridicule d’infliger dix années de travaux forcés à des individus qui, déjà, sont frappés de cette peine à perpétuité. Cessons de prononcer des jugemens qui font rire de la loi et de ceux qui l’appliquent. Et les Anglais, que font-ils en présence d’un prisonnier lâche au point de préférer le fouet et ses lanières plombées au plus léger labeur? Citons quelques-uns de leurs procédés. On place le détenu paresseux sur une roue à échelons qu’il faut toujours gravir, sous peine de tomber d’une grande hauteur dans le vide. Il en est que l’on force à entasser des boulets en pyramides, à défaire ces pyramides pour recommencer indéfiniment la même tâche. Rien n’est plus stupéfiant, nous a-t-on raconté, que cette fatigue sans résultat utile. Un autre directeur de prison a imaginé une torture dantesque. Il