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soumis à un cantonnement, à l’obligation du travail et aux juridictions militaires.

Le cantonnement n’est, à vrai dire, que l’internement auquel les Anglais astreignaient autrefois leurs convicts, et ce qu’on appelle en France la surveillance de la haute police. Cette mesure nous paraît tout à fait nécessaire, quoiqu’il soit facile de prévoir que nos relégués s’y déroberont souvent. Nous souhaitons aussi avec M. Léveillé que ces expulsés trouvent en débarquant des ports à creuser, des quais à construire, des ateliers dans lesquels, leurs aptitudes, et leurs métiers, — s’ils en ont jamais eu, — puissent être utilisés, et encore, qu’on leur facilite des emplois chez les colons, si ces derniers se risquent à les prendre chez eux. Reste la question des juridictions militaires, plus redoutées par les criminels que nos cours d’assises. Mais quelles peines appliqueront les conseils de guerre, soit pour une rupture de ban, soit pour un refus de travail? Si c’est un simple emprisonnement, c’est faire retomber dans une douce oisiveté l’incorrigible récidiviste, lequel, après tout, en France, se trouve satisfait d’être pendant un temps privé de liberté pourvu qu’il n’ait rien à faire, ne souffre ni de la faim, ni de la soif, ni du froid, de ces choses qui constituent la misère. La crainte de confondre dans une pénalité égale transportés et récidivistes a trop dominé l’esprit de nos législateurs ; mais lorsqu’on finira par bien se persuader qu’un relégué ne deviendra pas plus un homme de bien que ne le deviennent les transportés de Nouméa, l’assimilation s’imposera. Il faudra, pour les uns comme pour les autres, créer une législation pénale des plus rigides qui les moralise et donne la sécurité à nos colons, menacés dans leurs existences, dans leurs familles et dans leurs biens.

Il n’y a, nous en sommes convaincus, qu’un moyen de dompter avec succès les natures les plus perverses, c’est d’édifier à leur intention, à Nouméa ou à Cayenne, une maison centrale sur le modèle de celles que nous avons en France. Les réclusions avec labeur forcé, voilà la seule panacée, aussi bien pour combattre l’esprit de révolte des forçats, que pour vaincre la paresse incurable des récidivistes, La régénération par la douceur des criminels endurcis n’est qu’un leurre. C’est l’opinion des criminalistes compétens. M. Faustin Hélie, dans sa Théorie du code pénal, a dit ceci au sujet des maisons de force, ainsi qu’on les appelait autrefois : « La réclusion est à mes yeux la base d’un bon système pénal ; c’est la peine des sociétés civilisées... Sa première qualité est d’être essentiellement correctionnelle, parce qu’elle peut être combinée avec le travail, parce qu’on peut lui imprimer une tendance morale. » — « Une chose certaine, a dit à son tour M. le comte d’Haussonville, c’est