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La commission de la chambre des lords ne s’exprima guère autrement : « 1° Il est utile de continuer le système de la déportation en le conciliant toujours avec les intérêts des colonies et la pleine satisfaction des colons; 2° le véritable avantage de la déportation ne doit pas consister dans l’éloignement des coupables, mais dans la pensée que les libérés des prisons peuvent trouver des occupations honnêtes et devenir des colons utiles; 3° les déportés ne seront pas envoyés dans les lieux où leur travail n’est pas réclamé et là où n’abonde pas la population libre, pour éviter les maux déjà éprouvés de la disproportion des sexes; 4° il est nécessaire de revenir au système qui consiste à choisir les condamnés de la transportation. »

Contrairement aux conclusions que nous venons de citer, les membres de la chambre des communes et de la chambre des lords votèrent cependant le rétablissement de l’ancienne servitude pénale et la réouverture des prisons en Angleterre. Ils craignaient de mécontenter jusqu’à la rébellion les colonies australiennes. Mais alors, qu’arriva-t-il? De 1853 à 1863, il y eut un tel accroissement de crimes, qu’un instant il fut question de rétablir cette transportation qu’on venait d’abolir. En apprenant ce revirement, les riches éleveurs de bétail du sud de l’Australie firent entendre d’énergiques protestations. Le pouvoir législatif de Victoria exposa que les habitans, sans exception, refuseraient de prendre à leur charge les convicts, de payer pour les seules prisons et la police des sommes énormes évaluées à plus de 50 millions. Il terminait sa protestation par ces paroles graves, qui donnèrent à réfléchir aux successeurs de ceux qui avaient fait perdre à l’Angleterre ses plus riches possessions d’Amérique : « Malgré tout leur dévoûment pour le gouvernement de la reine, les sujets britanniques de la Nouvelle-Galles et de Victoria ne doivent pas cacher qu’ils emploieraient tous leurs moyens, par les voies législatives, pour s’opposer à une charge qu’ils regarderaient comme injuste. »

Ainsi finit l’envoi des malfaiteurs anglais en Australie. Il cessa donc, non, comme on l’a prétendu, parce que l’arrivée de convicts nouveaux faisait courir des dangers aux anciens colons, mais parce que ceux-ci trouvaient avec raison inique d’avoir à payer la nourriture et le logement de ceux qu’il convenait à la métropole de leur envoyer. Comme au fond de toutes les questions anglaises, ce n’était plus qu’une question d’intérêt.

Avant de passer à la seconde difficulté qu’offre la loi des récidivistes, il est bon de rappeler qu’après la découverte du Nouveau-Monde par Christophe Colomb, l’Espagne déporta à l’île Hispanola un grand nombre d’individus frappés de peines légères. Plus tard,