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des colonies, un calcul précisant le nombre total des individus qui avaient été originairement prisonniers dans les colonies australiennes, mais qui y jouissaient, en 1850, d’une entière liberté ou de ce degré de liberté que confèrent les billets de congé ou les grâces conditionnelles. Le résultat de cette investigation fut de démontrer que le nombre de ces individus dans les colonies pouvait bien s’élever à 48,600 ; et, sur ce grand nombre, ceux qui n’étaient pas en voie, d’une manière ou d’une autre, de vivre honnêtement soit par leur travail, soit au moyen de propriétés par eux acquises, étaient en telle minorité qu’ils ne formaient qu’une fraction insignifiante. S’ils fussent restés en Angleterre, les choses eussent tourné tout différemment, et ce n’est pas, je le crois bien, la majorité d’entre eux qui eût mené une bonne conduite et la minorité qui eût continué à vivre en guerre avec les lois; les derniers, au contraire, auraient été la règle et les premiers l’exception.

« Il a été maintes fois prouvé que, lorsqu’un homme s’est jeté dans tous les désordres d’une vie de libertinage et de vol, rien ne lui est plus difficile, après avoir subi la peine de ses fautes, que de trouver les moyens de vivre honnêtement en Angleterre. Quelque désireux qu’il soit de parvenir à ce but et de s’abstenir désormais de rien faire contre les lois, son premier genre de vie lui ferme toute carrière honnête, et, d’un autre côté, il ne lui est pas moins difficile de rompre avec ses anciens compagnons, qui le ramènent à ses mauvaises habitudes. On cite beaucoup d’authentiques et remarquables exemples de sincères, mais infructueux efforts faits par des hommes qui ont été criminels pour adopter un genre de vie plus honnête. Et de là je tire cette conséquence, au point de vue de l’intérêt général de l’empire britannique, que, sous le rapport moral, il est résulté beaucoup plus de bien que de mal d’un système par lequel quarante-huit mille personnes, menant aujourd’hui, pour la plupart, une existence honnête en Australie, y ont été envoyées au lieu d’avoir été laissées en Angleterre, inutile fardeau pour la société et pour eux-mêmes, comme le sont les forçats libérés en France. »

En 1853, le parlement anglais ayant songé à remanier le régime pénitentiaire, deux commissions furent nommées. La commission de la chambre des communes résuma ses conclusions de la manière suivante : « 1° Parmi toutes les peines secondaires, la déportation est celle qui inspire la plus grande crainte, qui concourt le plus efficacement à la réforme du condamné et qui, par cela même, est le plus utile au pays ; 2° par conséquent, c’est la seule dont l’application doive être demandée par les états de Sa Majesté. »