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Tout en approuvant sans réserve la loi des récidivistes, nous devons ajouter qu’il y a également urgence à s’occuper de mesures préventives du mal, mesures qui, secondées aujourd’hui par une instruction largement répandue, arrêteront sans doute l’effroyable progression des délits et des crimes constatée en France depuis dix ans.


I.

De toutes les critiques dirigées contre la loi de transportation ou de relégation des récidivistes, — selon qu’il conviendra à chacun de l’appeler, — il en est deux surtout qui méritent d’être prises en considération. La première se fonde, pour repousser la relégation, sur ce que l’Angleterre et d’autres nations européennes ont cessé d’employer ce système de répression après l’avoir très longtemps appliqué. La seconde cherche à prouver que nos possessions d’outre-mer, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie, seront exposées aux plus grands désastres si les relégués y doivent jouir, — comme la loi votée par la chambre des députés les y autorise, — d’une liberté illimitée.

La réfutation de la première des deux objections nous paraît aisée. En Angleterre, le bannissement des vagabonds et des malfaiteurs a commencé dès le règne de la grande Elisabeth, en 1597, et l’usage s’en est maintenu jusqu’en 1867, jusque sous le règne de la reine d’Angleterre actuelle. Il est difficile de croire qu’un régime pénal en vigueur pendant près de trois siècles puisse avoir été mauvais, car il ne fut suspendu chez nos voisins que de 1774 à 1783, pendant la guerre de l’indépendance des colonies anglaises dans le Nouveau-Monde. La lutte terminée, la déportation des criminels fut remise aussitôt en vigueur et sur une échelle tellement large que le chiffre des malfaiteurs envoyés en Australie dépassait 100,000 en 1838. Aussi n’est-ce pas la Grande-Bretagne qui s’est montrée hostile à la transportation, dont elle s’est toujours très bien trouvée, mais ce sont les colonies australiennes qui n’ont plus voulu d’un système dont la métropole persistait à leur imposer injustement toutes les charges. C’est ce qu’il est bien important de constater.

Comment supposer, en effet, qu’un gouvernement ait eu jamais le désir de se priver d’un moyen qui donnait ce triple résultat, celui de débarrasser une grande capitale de ses malfaiteurs, de créer au loin de puissans comptoirs, et d’offrir enfin toute sorte d’avantages aux transportés eux-mêmes? Au sujet de ces derniers, le comte Grey nous a fourni des indications qui sont pour nous en ce moment d’un grand intérêt :

« Je fis établir, a-t-il écrit, à l’aide d’informations prises au ministère