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IV.

Tous les conseillers d’Henri IV redoutaient la rentrée de Marguerite à la cour ; les courtisans n’en étaient pas moins inquiets. « Il y a encore une autre nouvelle, écrivait M. de Nançay à sa sœur, que je trouve bien étrange, qui est que la reine de Navarre revient à la cour se remettre bien avec son mari. » Henri IV lui-même ne pouvait se défendre de certaines défiances. Rosny étant à la veille de partir pour l’assemblée de Châtellerault, il devait se rencontrer en chemin avec Marguerite, qui venait par la route d’Orléans. Le roi l’invita à tirer d’elle quelques éclaircissemens. C’est à Cercottes qu’eut lieu leur entrevue. Marguerite entretint longuement Rosny ; mais elle eut beau lui nommer les chefs de la conspiration, entrer dans les détails les plus circonstanciés, après avoir tout entendu : « Je crois, écrivit-il au roi, qu’il peut y avoir autant de faux que de vrai. »

Henri IV aurait désiré que Marguerite s’arrêtât à Chenonceaux et qu’elle s’y fixât désormais ; mais, après avoir parlé dans une première lettre d’aller à Villers-Gotterets, elle avait bien vite, dans une seconde, démasqué ses véritables intentions : « Mes ambitions se sont bornées à Boulogne, écrit-elle au roi. L’habitude que j’ai prise d’aimer le repos, ne me permettoit, ayant trouvé une demeure en bel air, de désirer autre changement. »

En quittant Rosny, Marguerite prit donc la route d’Étampes, où elle entrait le 15 juillet. Le 18, elle écrivit au roi : « Je repartirai demain, et je m’avancerai le plus avant que je pourrai pour donner moins de peine à M. de Vendôme, que Votre Majesté envoie au-devant de moi. » Diane de France, cette douce et sympathique créature, dont toute la vie ne fut qu’un long dévoûment, était venue au-devant d’elle à Longjumeau. « J’ai trouvé en bonne santé la reine de Navarre, écrivait-elle au connétable de Montmorency, et je l’ai emmenée jusqu’au faubourg Saint-Jacques, où elle a pris le chemin de Madrid. »

Debout sur la dernière marche du perron du château, un homme attendait l’arrivée de Marguerite. Il lui offrit la main pour descendre de son coche : cet homme, c’était Chanvalon. Après vingt-deux ans de séparation, la destinée les replaçait en présence. Henri IV l’avait exigé ; unique vengeance qu’il voulût tirer du passé. Accompagné de MM. de Roquelaure et de Châteauvieux, le jeune duc de Vendôme, le fils légitimé de Gabrielle d’Estrées, souhaita, au nom du roi, la bienvenue à Marguerite, et en si bons termes, d’une façon