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Interrogé le premier, Henri IV eut la générosité d’écarter tout ce qui pouvait porter atteinte à l’honneur de Marguerite, réserve dont Clément VIII lui sut gré. À cette première question : « Le mariage a-t-il été consommé ? » Aubigné lui prête une réponse que, certes, le vert-galant n’eût pas désavouée : « Jeunes tous deux, et du tempérament gaillard dont nous étions, la reine et moi, pouvait-il en être autrement ? »

Invitée à répondre aux mêmes questions, Marguerite écrivit à Mornay : « Je craindrois que mes larmes ne fissent juger à ces commissaires de quelque contrainte qui nuiroit à ce que le roi désire de moi. » Elle demanda donc à Mornay que l’archidiacre Berthier fût envoyé à Usson : « Vous m’obligerez, dit-elle, autant que si vous me donniez la vie, de faire que cela se passe ainsi. C’est le meilleur. » Henri IV y accéda, Berthier partit en poste pour Usson et, le 17 novembre 1599, il interrogea Marguerite : « Jamais je n’ai eu au cœur volonté de consentir à ce mariage, répondit-elle. J’y ai été forcée par le roi Charles IX et la reine ma mère. Je les ai suppliés à chaudes larmes ; mais le roi me menaça, si je n’y consentois, que je serois la plus misérable de son royaume. Il y alloit du péril de ma vie. Combien que je n’aye pu porter aucune aflection au roi de Navarre, j’ai dû obéir. » En terminant, elle ajouta : « À mon grand regret, l’amitié conjugale n’a pas été entre nous, comme le devoir le requéroit : durant les sept mois qui ont précédé la fuite du roi mon mari de la cour, ayant eu la même couche, nous ne nous sommes jamais entre-parlé. »

Henri IV, en recevant des mains de Berthier l’interrogatoire de celle qui était encore sa femme, ne put retenir ses larmes : « Ah ! la malheureuse ! s’écria-t-il, elle sait bien que je l’ai toujours aimée et honorée et elle point moi, et que ses mauvais déportemens nous ont fait séparer il y a longtemps l’un de l’autre. »

Toutes les formalités exigées ainsi accomplies, la sentence de dissolution fut prononcée le 17 décembre 1599. Dès le lendemain, Henri IV envoya M. de Beaumont à Usson l’annoncer à Marguerite : « Je ne veux pas moins, disait-il, vous chérir et vous aimer pour ce qui est avenu, que je faisois devant, au contraire vous faire voir en toute occasion que je ne veux pas être votre frère seulement de nom, mais aussi d’effet. Je suis très satisfait de l’ingénuité et candeur de votre procédure. » Nous ne détacherons de la longue réponse de Marguerite que cette phrase qui la résume : « Il ne me falloit en cette occasion moindre consolation. » Marguerite conserva le titre de reine et de duchesse de Valois. Henri IV l’avait ainsi voulu. Ce divorce, on l’a dit avec raison, fut donc vraiment royal.