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douleur faisait mal avoir : « Mon affliction, écrivit-il à sa sœur, Catherine de Bourbon, est incomparable comme le sujet qui me la donne. La racine de mon amour est morte et ne rejettera plus. »

Le premier jour, il avait pris le deuil en noir et le porta trois mois. Son chagrin ne cédant pas, ceux de son entourage commencèrent à craindre pour sa santé. Les plus courtisans lui représentèrent qu’il n’y avait pas « de plus court remède que de refaire quelque nouvelle affection ailleurs ; » d’autres, plus sages, l’engagèrent à se marier dans l’intérêt de son propre repos et de celui de ses états. Il suivit les deux conseils à la fois ; mais il eut la mauvaise chance de s’amouracher de Mlle d’Entragues, « la mauvaise maîtresse, » comme on l’appela, et laissa à Rosny et sans réserve le soin de mener la négociation de son divorce. Sans perdre une heure, Rosny écrivit à Marguerite ; « Je vous supplie, Madame, de croire absolument le conseil de ceux qui sont tout à vous dans cette cour. »

Une fille de France, la dernière des Valois, avoir été réduite par le besoin à s’incliner devant la maîtresse de son mari et à implorer sa protection ! Le ressentiment de cette humiliation avait dû rester vivace au cœur de Marguerite. Pour avoir été si longtemps contenu, il ne se manifesta qu’avec plus de violence : « Si j’ai ci-devant usé de longueurs, écrit-elle à Rosny, vous en savez aussi bien les causes que nul autre, ne voulant voir en ma place une telle décriée bagasse, que j’estimois indigne de la posséder ni capable de faire jouir la France des fruits que vous désirés. Je m’accommoderai à tout ce qui sera convenable et que vous me conseillerez. »

La demande de la dissolution du mariage du roi s’était heurtée à Rome contre les lenteurs calculées du saint-siège. Irrité de la publication de l’édit de Nantes, qu’il traitait de « maudit, » Clément VIII n’ignorait pas que Gabrielle était l’intime amie de la duchesse de Bar, la sœur du roi, et de la princesse d’Orange, la veuve de Téligny, toutes deux obstinées protestantes. Croyait-il que, cédant à leur influence, Gabrielle avait poussé le roi à signer l’édit ? Lui répugnait-il de voir monter sur le trône des rois très chrétiens une seconde Anne de Boleyn ? Quel que fût le motif, de jour en jour il remettait sa décision ; mais le mariage d’Henri IV avec sa maîtresse n’étant plus à craindre, la négociation marcha rapidement. Vers le milieu de septembre, le pape eut avec Ossat un dernier entretien et, par un bref daté du 24 du même mois, il délégua l’archevêque d’Arles, le cardinal de Joyeuse et l’évêque de Modène, son nonce, a pour connaître de cette affaire. »

Le côté délicat, c’était la condition imposée aux deux époux de répondre à certaines questions préliminaires et obligatoires.