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Lyon. Le 30 de ce même mois, il écrivit de cette ville au duc de Guise : « Monseigneur, ce que vous dira M. de Foronne touchant la reine de Navarre est témoignage suffisant de l’affection que j’ai de ne jamais courir d’autre fortune que la vôtre. J’étois venu en cette ville pour prendre résolution avec MM. de Mandelot et de Lyon sur le fait de l’union qui se trame, mais pour que cela est encore remis, je m’en retournerai et attendrai jusqu’à ce que j’aie réponse du mémoire que M. de Foronne vous porte, vous suppliant que je reçoive cet honneur de l’avoir au plus tôt. »

À cette lettre était joint ce mémoire écrit de sa main : il commence par dévoiler les secrets desseins de Henri III et de Catherine. Tous deux sont d’accord pour se débarrasser au plus vite de Marguerite et remarier le roi de Navarre à la fille du duc de Lorraine. C’était, selon lui, le vrai but de la récente mission de d’Épernon en Béarn. Après cette entrée en matière, Canillac pose au duc de Guise des conditions : pour lui une pension de 4,000 écus et une forte somme pour la garnison du château d’Usson ; en outre, le commandement de toutes les villes qui, de gré ou de force, se donneront à lui. Le temps presse, le roi vient de lui envoyer M. de Mourettes pour traiter de la garde de la reine de Navarre. Enfin, il exige du duc l’engagement, signé de sa main, de ne faire ni paix ni trêve avec Henri III sans y comprendre la reine de Navarre et lui, Canillac. Si le duc ne croit pas devoir se lier par cette promesse, il le prie de ne pas trouver mauvais s’il ne se mêle plus de cette affaire. Il a dit le vrai mot, c’était une affaire qu’il traitait ; mais déjà, de son côté, Marguerite, profitant de l’absence du marquis, avait fait prévenir le duc de Guise. A son premier appel, une troupe d’hommes d’armes était partie d’Orléans et, la garnison d’Usson étant gagnée à l’avance, elle était entrée sans résistance dans le château. Quand le marquis revint de Lyon, il trouva porte close. Dans cette comédie si bien jouée de part et d’autre, Marguerite avait eu le mot de la fin, et son premier acte d’autorité avait été de chasser d’Usson la marquise de Canillac.


III

A partir du jour où elle est restée maîtresse absolue de la forteresse d’Usson, commence pour Marguerite de Valois l’existence la plus extraordinaire du XVIe siècle. Les vagues de cette mer en furie, la guerre civile, viendront se briser impuissantes contre ce rocher imprenable. Du haut de son donjon, elle suivra des yeux la fin de ce drame dans lequel elle a joué si longtemps le premier rôle, et dont elle verra disparaître un à un les principaux acteurs. Le duc