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guerre où des défis ont été échangés depuis quelque temps entre les partis. Au milieu de toutes ces agitations, cependant, il y a un certain sentiment public en faveur de la paix politique. Déjà un ancien vice-roi d’Irlande, lord Cooper, s’est prononcé pour une conciliation. Aujourd’hui, c’est un pair d’Écosse qui a appartenu au cabinet libéral, c’est un personnage considérable, le duc d’Argyll, qui vient d’écrire une lettre demandant au gouvernement de se prêter à un rapprochement, de rassurer les conservateurs sincères en présentant son bill sur les circonscriptions électorales avec le bill sur l’extension du suffrage. C’est justement ce qui a fait la difficulté jusqu’ici ; et ce qui ferait croire que le gouvernement n’est pas éloigné de suivre les suggestions du duc d’Argyll, c’est le discours mesuré, conciliateur, prononcé tout récemment par un des ministres, lord Hartington, dans le Lancashire. Bien mieux, une divulgation indiscrète de ces jours derniers prouverait que le projet de remaniement des circonscriptions électorales aurait été en effet préparé par le ministère, qu’il devait être présenté à la session prochaine ; un journal l’a publié. Est-ce une invention ou une simple indiscrétion ? Le projet tel qu’il a été dévoilé est-il réellement une œuvre ministérielle ? toujours est-il que l’intention existe, qu’elle a été avouée par les ministres eux-mêmes, et si le cabinet se décidait à donner une forme définitive, sérieuse, à cette pensée de conciliation, il est à présumer qu’un certain nombre de lords conservateurs se sentiraient fort soulagés, qu’ils voteraient cette fois le franchise-bill. Ce serait une crise de moins en perspective pour les Anglais.

Réviser la constitution héréditaire de la pairie anglaise, c’est facile à dire, et des radicaux peuvent le trouver tout simple ; ce n’est pas aussi aisé à faire dans un pays comme l’Angleterre, et bien du temps passera sans doute avant qu’on en soit là. Il en est de la chambre des lords comme de cette vieille corporation de la cité qu’on veut toujours réformer, qui devait disparaître dans une nouvelle organisation municipale. Il y a un an, au moment de l’élection du lord-maire, on annonçait que ce serait le dernier ; ce n’était pas le dernier, on vient d’élire un nouveau lord-maire qui prendra possession de sa charge avec les mêmes cérémonies, avec le même appareil traditionnel. Il y aura encore une fois un banquet à Mansion-House, et l’Angleterre n’en est pas moins libre parce qu’il y a un lord-maire dans la cité de Londres, parce qu’il y a une chambre des lords gardienne des vieilles traditions britanniques.

CH. DE MAZADE.